Différencier le Grimpereau des jardins du Grimpereau des bois

Distinguer un Grimpereau n’est pas chose aisée. Au XIXème siècle, les ornithologues considéraient qu’il n’existait qu’une seule espèce française. Cette confusion provenait de la très forte ressemblance de plumage et à la cohabitation possible des deux espèces.

Aussi la distinction entre ces deux espèces n’est pas sans poser quelques tracas pour le birdwatcheur néophyte comme pour l’ornithologue confirmé ! Fort heureusement, il est assez facile de retenir quelques critères d’identification pour ne plus commettre d’erreurs sur le terrain. Pour cela, trois indices sont particulièrement importants. Il s’agit de prêter attention à l’écologie des espèces, les critères morphologiques détaillés et l’écoute de leurs chants.

Ecologie des espèces

Ces deux membres de la famille des Certhiidés sont difficiles à distinguer, mais leurs milieux varient sensiblement. Pour les observations françaises, les habitats suivants peuvent permettre une première distinction :

Le Grimpereau des Jardins préfère les parcs, jardins boisés, vergers et bosquets. Il apprécie les boisements même très restreints et se montre assez anthropophile. Oiseau de plaine, il remonte les vallées jusqu’à 1300-1500 mètres d’altitude maximum.

Son cousin le Grimpereau des bois apprécie les forêts de conifères : épicéas, mélèzes, sapins et pins. Il peut aussi s’intéresser aux peuplements mixtes, voire aux vieilles futaies de feuillus. Son habitat de prédilection est la montagne, il se rencontre donc fréquemment dans les forêts denses des massifs d’altitudes entre étages montagnards et subalpins, jusqu’à 2200 mètres. Mais la présence de vieux peuplements boisés peut aussi lui convenir, même à basse altitude, du moment qu’il y trouve des cachettes adéquates.

Enfin, il est possible de rencontrer les deux espèces dans des zones de sympatrie. Il peut s’agir de forêts assez denses de moyenne montagne ou de noyaux de populations à basse altitude. Les deux espèces ne cohabitent pas toujours pacifiquement, leur comportement allant de l’indifférence à l’agressivité.

Critères morphologiques

L’observation d’un Grimpereau silencieux est toujours délicate. A moins de se fier à l’habitat et l’altitude (deux bons critères cumulés), il est difficile mais possible d’identifier au plumage les deux espèces présentes. Pour cela, rien ne vaut la comparaison à partir d’un cliché photographique !

Il ne faut jamais se fier à un seul critère, mais cumuler au moins trois critères probants. En effet, la sous-espèce du Grimpereau des bois Certhia familiaris macrodactyla a un bas-ventre légèrement brun-roux qui peut lui valoir sur ce seul critère une confusion avec le Grimpereau des jardins. C’est seulement ainsi que l’identification visuelle aura suffisamment de poids. Pour vous aider dans cette démarche, voici une liste de critères comparatifs, classés du plus probant au moins probant.

Le plumage reste cependant difficile à comparer. Un point d’attention peut alors se concentrer sur le motif en « escalier » clair le long de la barre alaire. En effet, chez le Grimpereau des jardins, ce motif ne présente pas d’encoche noire vers l’avant du plumage. Tandis qu’une large zone sombre rectangulaire arrière semble fortement décaler le motif également vers l’avant. D’autres critères doivent être obligatoirement pris en compte, comme la taille des ongles, le sourcil, et si possible l’alula.

Récapitulatif des critères retenus :

Grimpereau des jardins (Certhia brachydactyla:

  • Bas-ventre d’aspect brun sale presque tacheté.
  • Tête : sourcil blanc assez peu défini (critère faible), nette lore (zone du plumage) chamois à l’avant de l’œil.
  • Mandibule inférieure rosâtre.
  • Bec plus long, nette impression arquée.
  • Pas d’encoche noire s’enfonçant dans la barre alaire claire (angle quasi-droit 90°). Extrémité barres claires en biseau.
  • Large zone sombre rectangulaire sur les quatre secondaires externes semblant parfois s’enfoncer dans le motif « en escalier » de la barra alaire.
  • Plumage légèrement roux (C. b. megarhyncha) ou plumage d’aspect foncé (C. b. brachydactyla) selon les sous-espèces rencontrées.
  • Pointes des rémiges avec de nettes tâches blanches.
  • Alula bordée de pâle ou de blanc.
  • Critère des griffes : ongle postérieur assez court même par rapport aux antérieurs.

Grimpereau des bois (Certhia familiaris:

  • Bas-ventre blanc immaculé (C. f. familiaris) à légèrement brun (C. f. macrodactyla), on retiendra l’aspect propre et clair de loin.
  • Tête : sourcil blanc délavé plus marqué (critère faible), très large et plus long vers la nuque (critère moyen).
  • Bec plus court semblant à peine courbé parfois.
  • Mandibule inférieure plutôt foncée, elle peut être plus claire que la mandibule supérieure mais pas rosâtre.
  • Bordure droite de la barre alaire en « escalier » de marches blanchâtres de longueur inégales.
  • Encoche ou décroché noir s’enfonçant à angle droit (90°) ou aigu (<90) dans la barre alaire.
  • Pointes des rémiges blanc sales, tâches peu distinctes.
  • Alula noire ou ponctuée de blanc.
  • Critère des griffes : remarquer l’ongle postérieur souvent plus long que les antérieurs.
Grimpereau des Bois (crédits photographiques : Teemu Lehtinen)
Grimpereau des bois (Certhia familiaris). Auteur : Teemu Lehtinen, cliché pris à Salo / Helsinki, Finland. Licence Creative Commons.

Identification sonore

Le chant reste la meilleure méthode d’identification des Grimpereaux sur le terrain. Avec un enregistreur et en générant le sonogramme grâce à Audacity, vous pourrez comparer les enregistrements d’individus et argumenter vos observations. Notez que l’ornithologie acoustique permet d’aller encore plus loin, comme proposé dans les liens bibliographiques (Tietze et al., 2006; 2008). Les Certhiidés sont d’excellents exemples de diversité acoustique !

Quelques liens pour aller plus loin :

Ornithomedia – Distinguer les Grimpereaux des bois et des jardins (2016). [En ligne].

Tietze et al. (2006). Molecular phylogeny of treecreepers (Certhia) detects hiddent diversity. Ibis, 148(3), 477-488. [En ligne]

Tietze et al. (2008). Evolutionary history of treecreeper vocalisations (Aves : Certhia)Organisms Diversity & Evolution, 8(4), 305-324. [En ligne]

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