Il n’est pas toujours simple d’identifier la Mésange boréale (Poecile montanus) sur le terrain. Mais savez-vous que l’espèce est en cours de spéciation entre ses deux sous-espèces d’Europe occidentale ? Profitons de cet exemple d’ornithologie pour réviser quelques notions d’évolution au sein des populations aviaires.
Un peu de biologie de l’espèce
La Mésange boréale a donné quelques difficultés aux naturalistes du XVIIIème siècle. Au point que ce n’est qu’en 1827 qu’elle fut enfin reconnue et différenciée de la Mésange nonnette (Poecile palustris) par l’ornithologue suisse Conrad von Baldenstein. Quant à sa biologie, les travaux demeurent insuffisants avant la fin du XIXème siècle ! Il faut dire que même pour un ornithologue expert, Mésanges nonnettes et boréales peuvent porter à confusion sur le terrain.
Mais parmi ce « complexe des Mésanges grises », la Mésange boréale (Poecie montanus) est elle-même divisée en deux sous-espèces. La Mésange des saules (plaines et montagnes moyennes) et la Mésange alpestre (Massif alpin d’altitude). Voilà pour les grandes lignes.
Car dans les faits, les deux sous-espèces peuvent être présentes sur des milieux identiques selon l’altitude, du moment que les habitats forestiers ou semi-ouverts leur soient favorables ! Alors, comment différencier ces « Mésanges grises » ?
Critères d’identification
Ces deux sous-espèces se ressemblent énormément ! Alors pour ne pas confondre la Mésange nonnette de la Mésange boréale, le plus simple reste l’écoute attentive. Car fort heureusement, les contacts auditifs diffèrent facilement dès lors que l’oreille est exercée.
Pour les deux sous-espèces de Mésange boréale, la technique est la même : la Mésange des saule émet une série de notes longues et descendantes (« tsiu tsiu tsiu tsiu »), le chant de la Mésange alpestre consiste en une série de notes identiques et resserrées (« u u u u u »).
Un cas de spéciation
Pourquoi s’intéresser aussi en évolution des populations sur cette Mésange boréale ? Parce que ces différences de chants seraient en cours de spéciation. Cela signifie que les populations divergent sur le plan génétique pour former deux espèces distinctes. Une explication habituellement apportée à la spéciation évoque l’apparition d’un obstacle géographique qui isole deux populations, comme par exemple une montagne ou un bras de mer. C’est un cas de spéciation allopatrique. A l’inverse existe une spéciation sympatrique au sein d’un habitat commun.
Ce n’est pas le seul modèle de spéciation en cours, mais il présente l’avantage d’être observable assez facilement en France métropolitaine. Cependant restons prudents, car chez nos Mésanges boréales, il n’y a pas encore assez d’éléments génétiques probants pour départager ces hypothèses ! En effet, si la spéciation allopatrique semble une bonne hypothèse en raison de leurs habitats montagnards qui diffèrent selon l’altitude, il existe des zones de coprésence, comme le montre l’Atlas des oiseaux nicheurs de Suisse.
Ces zones de coprésence interrogent : elles pourraient apporter de précieuses informations génétiques. A-t-on hybridation entre les deux sous-espèces comme supposé par certains ornithologues suisses ? Peut-on utiliser ces données pour mieux comprendre cette spéciation ?
Conclusion
Le cas de la Mésange boréale et de ses deux sous-espèces, la Mésange alpestre et la Mésange des saules, intéresse aussi dans les massifs montagnards français, notamment en Auvergne et Rhône-Alpes, ou la Mésange des saules est en fort déclin.
Il est donc important de compléter les données sur les répartitions de ces deux sous-espèces, des informations précieuses qui permettront aux généticiens des populations de choisir, sur les Atlas ornithologiques, les mailles géographiques pertinentes pour échantillonner.