Bonne nouvelle pour les échouages de dauphins. Les captures accidentelles par les filets de pêche sont enfin en baisse. Fabrice Loher, le ministre délégué chargé de la Mer et de la Pêche, annonce une chute de 76 % de la mortalité par rapport aux hivers précédents. Cependant, le ministre ne précise pas si ce pourcentage se base directement sur le dénombrement des échouages de dauphins.
Après une interdiction disputée, le Conseil d’Etat avait contrait l’état en mars 2024 à respecter l’interdiction de pêche aux navires de plus de huit mètres du 22 janvier au 22 février dans le Golfe de Gascogne. Les captures accidentelles avaient alors explosé ces dernières années. Depuis 2018, leur nombre dépasse ainsi la limite maximale compatible avec un bon état de conservation des petits Cétacés en Atlantique Nord-Est. Avec une population de dauphins communs estimée à environ 200 000 individus dans le golfe de Gascogne, en hiver, ces mortalités correspondent à un taux annuel de prélèvement anthropique de 1 à 5 %. Soit un pourcentage supérieur au seuil communément admis de 1 % de mortalité additionnelle.
Le phénomène des prises accidentelles n’est cependant pas nouveau. Depuis novembre 2020, l’état a rendu obligatoire les systèmes de dissuasion acoustique ou « pingers » sur les chalutiers pélagiques. Or ces dispositifs ne sont efficaces qu’à 65 % et ne suffisent pas à limiter les captures accidentelles. L’interdiction saisonnière apparaît donc comme la seule mesure de conservation immédiate afin de protéger les populations de grand dauphin, dauphin commun et marsouin commun, conformément aux obligations du droit européen de la pêche et de la directive « Habitats » de 1992.
Les causes des échouages
En juillet 2023, le Journal du CNRS publiait un article d’information sur les causes des échouages de dauphins. Il rappelait également que durant l’hiver 2022-23, 1482 petits cétacés avaient été retrouvés morts sur les côtes atlantiques françaises, en majorité des dauphins communs. Depuis une trentaine d’années, l’observatoire Pelagis de La Rochelle surveille se phénomène et note une nette accélération depuis 2016. Fort du soutien des 400 bénévoles du Réseau National Echouages (RNE), Pelagis peut recenser ces échouages. Mais également procéder à des autopsies déterminantes pour identifier les causes de mortalité.
Dans près de 90 % des cas, la mortalité est liée aux captures accidentelles dans des filets de pêche. Faute de pouvoir s’en libérer, les petits Cétacés ne peuvent remonter à la surface et meurent asphyxiés. Cette surmortalité hivernale est aussi liée à l’écologie des dauphins communs. A cette saison, ils se nourrissent des mêmes petites proies, sardines et anchois, que certains poissons ciblés par les pêcheurs (bar, merlu…). Les dauphins se retrouvent donc dans les mêmes zones marines que les bateaux de pêche.
Les causes de mortalité des petits Cétacés échoués sont cependant multiples, comme le rappelle l’observation Pelagis sur son site web. Les scientifiques distinguent ainsi les causes naturelles (mortalité naturelle, pathologies, prédation, compétition) des causes anthropiques (captures et collisions, pollutions, baisse des ressources alimentaires, changements marins globaux).
Pelargis face aux critiques des pêcheurs
L’interdiction saisonnière de pêche dans le Golfe de Gascogne soulève, comme il est de coutume en France dès lors qu’il s’agit de protéger des espèces animales sensibles, un vent de contestation. L’Union Française des Pêcheurs Artisans (UFPA) disqualifie par voie de presse les méthodes de Pelagis, lui reprochant le manque d’autopsies vétérinaires. Ce à quoi Pelagis répond en rappelant que l’examen externe des cadavres de petits Cétacés est un protocole valide et standardisé pour confirmer la mort par capture accidentelle. Les autopsies vétérinaires ayant pour objectif d’identifier d’autres types de mortalités.
Mais derrière cette passe d’armes par voie de presse, se cache un tout autre conflit. L’UFPA pointe aussi du doigt le rôle perturbateur de la pêche industrielle dans le golfe de Gascogne. Ce qui appauvrit les ressources en haute mer et forcerait ainsi les dauphins à fréquenter les eaux côtières et le sillage des fileyeurs. Les petits Cétacés, victimes du pillage mondialisé des océans ?