A la mauvaise saison, les oiseaux sont mis à rude épreuve : les ressources alimentaires se raréfient alors que les conditions météorologiques et les maladies opportunistes monopolisent une part grandissante de leurs réserves énergétiques. La recherche de nourriture devient alors plus difficile. En effet, les ressources naturelles s’amenuisent et la diminution de la durée d’ensoleillement réduit le temps consacré au nourrissage. Par conséquent, la mortalité devient particulièrement élevée en hiver. Les jeunes individus subissent ainsi une forte pression sélective : 87% des Mésanges charbonnières meurent la première année de leur existence, contre 49 % des adultes (Duquet, 1997). En temps normal cependant, cette surmortalité ne mettrait pas en danger la survie des populations. Mais la crise actuelle de la biodiversité vient désormais perturber ce fragile équilibre.
Un réel bénéfice pour la biodiversité
Nourrir les oiseaux en hiver fut ainsi longtemps considéré comme un loisir sans conséquences sur la survie des passereaux. En effet, ce nourrissage artificiel ne représenterait qu’une faible part de leur alimentation hivernale (moins de 25% chez la Mésange charbonnière). Mais il fait avant tout la joie des jardiniers ! Cependant, des travaux récents (Wilcoxen et al., 2015) tendent à prouver que les oiseaux nourris pendant l’hiver présentent un meilleur état physiologique. Encore plus encourageant, les groupes d’oiseaux nourris en hiver entament alors leur nidification plus précocement et élèvent un plus grand nombre d’oisillons jusqu’à l’envol (Robb et al., 2008).
La crise actuelle de la biodiversité menace également nos oiseaux communs. La destruction des habitats et des ressources, le dérangement, la prédation par les animaux domestiques (chats ou chiens), les risques de collisions avec des obstacles artificiels, mais aussi l’usage de produits phytosanitaires et l’émergence de nouveaux agents infectieux (exemple récent du virus USUTU) sont autant de facteurs responsables du déclin des populations. Le débat autour du nourrissage hivernal s’en retrouve relancé : plus qu’un simple hobby de jardinier, il s’agit désormais d’un geste d’engagement auprès de la biodiversité.
Saisonnalité du nourrissage et dépendance
En période hivernale, les oiseaux se rapprochent alors des zones péri-urbaines et des jardins : la température y est légèrement plus élevée (1 à 2°c en moyenne) et les ressources alimentaires plus accessibles. Les oiseaux adoptent alors un comportement plus grégaire : les territoires se réduisent ou sont abandonnés au profit d’une vie nomade en groupes parfois inter-espèces (exemple des « rondes » de mésanges). Ces troupes errantes auront donc tendance à se sédentariser si elles trouvent chemin faisant une mangeoire bien garnie. Il devient alors intéressant de nourrir les oiseaux de passage dans votre jardin.
A la belle saison, l’instinct de reproduction fait alors resurgir les comportements territoriaux. Les jours rallongent et ressources alimentaires deviennent aussi plus abondantes. Les mâles entament alors leurs chants nuptiaux et les premiers couples formés se mettent en quête d’un territoire. Le nourrissage artificiel printanier n’a pas démontré pour le moment d’effets particuliers sur le succès reproductif des oiseaux (Jones & Reynolds, 2008). Cependant, il est recommandé de le suspendre dès le début des nichées.
Nourrissage et dépendance des populations aviaires
En effet, les oiseaux préfèrent apporter une alimentation riche en protéines animales à leur progéniture, plus facilement assimilée par leur métabolisme. Le nourrissage printanier pourrait ainsi entraîner un phénomène de dépendance de certaines espèces vis à vis d’une ressource facile d’accès et énergétiquement moins favorable aux nichées. Mais la littérature scientifique manque de preuves. De rares études menées sur la Mésange à tête noire (Parus atricapillus) n’ont ainsi pas pu mettre en évidence une éventuelle dépendance au nourrissage tardif (Brittingham & Temple, 1992).
Il serait cependant erroné de généraliser ces résultats rassurants. En effet, la dépendance des oiseaux aux nourrissages artificiels demeure un phénomène bien connu, que ce soit par distraction de touristes (Orams, 2002) ou pour faciliter la nidification d’espèces en danger (Powesland & Lloyd, 1994). C’est pourquoi nourrir les oiseaux tout au long de l’année présente des risques pour les populations locales. Vous risquez de progressivement sélectionner des générations de jeunes individus dépendants de cette ressource, et qui seront défavorisés lorsque vous supprimerez vos mangeoires. Nourrir les oiseaux en permanence est donc une fausse bonne idée pour le fitness des populations locales de votre jardin.
Veiller à la santé des oiseaux
Les reliefs de nos repas laissés à disposition des oiseaux sont également à proscrire. Face à ces ressources artificielles inadaptées, trop riches en graisses et en sucres, les comportements varient d’une espèce à l’autre. Certains adultes persistent alors à nourrir leur progéniture avec des insectes chassés par leurs soin. Mais d’autres se ruent sur ces miettes et présentent des taux de cholestérol anormalement élevés (Jones & Reynolds, 2008). En conclusion, afin de favoriser les oiseaux de passage dans votre jardin sans risquer de perturber leurs chances de survie, il vous est conseillé de respecter les périodes de nourrissage et de leur proposer des aliments adaptés à leur métabolisme.
Quand faut-il nourrir les oiseaux ?
La période idéale d’approvisionnement de vos mangeoires s’échelonne ainsi entre la mi-novembre et la fin mars. Il s’agit de la période météorologique la plus rigoureuse, et donc la plus critique pour vos amis à plumes. Ne faites pas de zèle pour autant, nourrir les oiseaux avant cette date peut ainsi se révéler néfaste pour la bonne santé des populations ! Le début de l’automne est en effet une période suffisamment faste pour les passereaux, qui profitent de la douceur de l’arrière-saison et de sa profusion d’insectes, graines et fruits tombés au sol.
Les jeunes de l’année font aussi leur apprentissage. L’impitoyable sélection naturelle rentre alors en jeu. Il serait donc contre-productif de favoriser les individus faibles ou inadaptés. Un tel discours peut sembler cruel mais pour le bien des oiseaux, laissez faire la nature. A défaut d’appliquer une date stricte d’ouverture des mangeoires, le bon choix consiste à attendre les premières tempêtes automnales, au cours du mois de novembre, lorsque les températures chutent subitement.
Les premiers redoux de février sont tout d’abord trompeurs pour tout le monde. Les oiseaux dupés par la hausse du thermomètre entament cependant leurs comportements nuptiaux et territoriaux. Les rares ressources alimentaires alors disponibles sont insuffisantes pour couvrir leurs dépenses énergétiques. Les mangeoires présentent donc un atout sérieux durant la sortie de l’hiver, en évitant aux oiseaux une période de disette à l’aube de la saison de reproduction. En définitive, attendez au plus tard que le calendrier annonce officiellement le printemps pour ranger vos mangeoires.
Un peu de discipline du jardinier
N’oubliez pas qu’une fois le nourrissage débuté, il faut alors le maintenir sans interruption jusqu’à la mi-mars. Une mangeoire bien approvisionnée correspond, en plus des ressources naturelles, à une halte incontournable de l’itinéraire bien rodé des oiseaux hivernants. Si vous suspendez l’approvisionnement de votre mangeoire, ils devront donc consacrer un surcoût d’énergie pour prospecter d’autre ressources alimentaires. Cette dépense énergétique imprévue étant dangereuse pour leur survie à la mauvaise saison, il vous est donc recommandé d’approvisionner votre mangeoire le plus régulièrement possible !
Quels aliments pour nourrir les oiseaux ?
Le choix des aliments est crucial afin que votre nourrissage soit un réel succès. Les Mésanges et Sittelles visitent ainsi fréquemment les mangeoires. Elles apprécient alors les graisses et graines de tournesol. Les pinsons sont en outre granivores (maïs concassé, blé, orge, avoine, tournesol). Le Rougegorge et l’Accenteur se satisfont également d’ordinaire de petites graines et des miettes de graisse tombées au sol. Les groupes voraces de Moineaux pillent également les mangeoires de graines. Leurs populations sont en déclin, alors ne les chassez pas pour autant ! Mais si vous voulez éviter qu’ils ne fréquentent votre mangeoire, disposez des boules de graisse dans un portoir. Mauvais cascadeurs, il les délaisseront alors au profit des Mésanges. Enfin, les Turdidés (merles et grives) apprécient quelques fruits flétris abandonnés au sol à leur attention.
Les oiseaux ne sont pas des humains !
Bon nombre d’aliments sont donc à bannir. Le pain sec, pourtant populaire en la matière, est l’exemple typique d’aliment à proscrire ! Il gonfle ensuite dans le tube digestif, et étant salé il entraîne des troubles digestifs. De manière générale, considérez ainsi que les oiseaux ne partagent pas votre régime alimentaire. Évitez donc les aliments transformés : trop riches en sucres, en graisses et en sel, ils dérèglent le métabolisme des oiseaux (tout comme le nôtre !).
Ne donnez tout d’abord pas de biscuits secs, chips, cacahuètes salées, produits laitiers, gâteaux, aliments « junk food » (véritable fléau alimentaire des moineaux et corvidés des grandes villes) … Les croûtes de fromage sont donc déconseillées, bien qu’une consommation occasionnelle ne sera pas dangereuse pour vos hôtes. Sont également à retirer des mangeoires les graines de lin, les fruits secs salés (sauf s’ils sont vendus non-salés, alors grives et merles peuvent en raffoler). Enfin, les déchets alimentaires sont peu recommandés. Conseillés souvent à tort, des aliments comme les pâtes, la semoule ou le riz provoquent des carences et ne conviennent donc pas au régime alimentaire des oiseaux. Il en est de même des légumes cuits.
Le guide des aliments par espèces :
Pics | Grives | Merles | Moineaux | |
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Graines de tournesol | x | x | ||
Graines de Niger | x | |||
Maïs fortement concassé | x | |||
Cacahuète (ni grillée, ni salée) | x | |||
Avoine aplatie | x | x | x | |
Mélange de graines | x | x | x | x |
Millet rond | x | |||
Noix de coco, arachides | x | |||
Noix, noisette | x | x | ||
Vers de farine déshydratés | x | x | x | x |
Graisse végétale | x | x | x | |
Pomme, poire | x | x | x | |
Fruits secs | x | x |
Mésanges | Rouge-gorges | Verdiers | Pinsons | Chardonnerets | |
---|---|---|---|---|---|
Graines de tournesol | x | x | x | x | |
Graines de Niger | x | x | x | x | x |
Maïs fortement concassé | x | x | |||
Cacahuète (ni grillée, ni salée) | x | ||||
Avoine aplatie | x | x | x | x | |
Mélange de graines | x | x | x | x | |
Millet rond | x | x | x | ||
Noix de coco, arachides | x | ||||
Noix, noisette | x | ||||
Vers de farine déshydratés | x | x | |||
Graisse végétale | x | x | |||
Pomme, poire | x | ||||
Fruits secs |
Tableaux des aliments autorisés et compatibles pour différents oiseaux des jardins
Une bonne diversité alimentaire
Dans vos mangeoires, proposez tout d’abord des graines de tournesol (très énergétiques et peu coûteuses), des graines de millet, de chènevis, d’orge, de blé et d’avoine, du maïs concassé et des avoines aplaties. Le saindoux et le gras de jambon peuvent aussi contenir des nitrites toxiques. Les pains et boules de graisse doivent aussi être préparés avec des graisses végétales. Bannissez également la charcuterie et restes de viande, qui ne feront qu’attirer les carnivores et rats surmulots.
Notez également que certains aliments d’animalerie sont autorisés : pâtée insectivore, vers de farine déshydratés (Tenebrio molitor), larves déshydratées de coléoptères. Évitez de distribuer des larves vivantes de diptères, car avalées entières elles peuvent ainsi perforer leur estomac. Pour les fruits, des pommes et poires flétries déposées au sol feront aussi le bonheur des Grives et des Merles.
Pensez également à vos hôtes à plumes lorsque vous aménagez votre jardin : les baies de sorbier, de sureau noir, de fusain d’Europe, d’églantier ou d’épine noire sont fortement appréciées. Mieux que de les acheter en sachets, vous pouvez également planter ces arbustes pour venir en aide à vos hôtes à la mauvaise saison.
Fabriquez vos propres boules de graisse
Voici tout d’abord la fameuse recette de la boule de graisse ! En effet, elle est simple à réaliser et jamais démodée pour nourrir les oiseaux. Dans une casserole, faites tout d’abord fondre à feu doux de la margarine végétale. Rajoutez ensuite des graines de tournesol avec ou sans mélange d’autres graines. Bien remuer, puis versez à chaud pour mouler et laisser refroidir. Vous pouvez aussi faire jouer votre imagination. Versez ensuite le mélange dans une bûche creuse pour attirer les Pics. Mais aussi, trempez une pomme de pin ouverte qui ravira Sittelles et Mésanges.
En outre, les boules de graisses industrielles sont souvent pointées du doigt pour leur dangerosité alimentaire. En effet, elles peuvent contenir trop de graisses animales ou des additifs déconseillés. Pour tout savoir sur les boules et pains de graisse, vous pouvez également consulter cet article en ligne.
Le piège des graines de tournesol ?
Enfin, comme pour notre propre nutrition, la clé d’une bonne alimentation est dans la diversité. Proposer une alimentation monospécifique aux oiseaux en hiver peut donc se révéler contre-productif. C’est du moins ce que laisse sous-entendre des études récentes, comme celles menées sur le Verdier d’Europe et le Grosbec casse-noyaux (Støstad et al., 2019).
L’apport systématique de graines de tournesol dans les mangeoires augmente ainsi les concentrations sanguines d’acide linoléique chez ces oiseaux. Cette teneur est alors corrélée à la baisse de qualité des spermatozoïdes des individus mâles, entraînant un risque de perte de fécondité chez ces espèces. Bien que cette étude nécessite encore des investigations avancées, elle semblerait mettre en évidence que l’absence de diversité alimentaire des mangeoires puisse avoir un effet négatif sur la reproduction printanière de certaines espèces. Voilà donc une conclusion à méditer au moment de remplir les mangeoires.
Différents types de mangeoires
Nourrir les oiseaux ne consiste donc pas à jeter des graines à même le sol, dans son jardin ou depuis la fenêtre de son balcon ! La mesure serait d’ailleurs contre-productive, attirant rongeurs et pigeons domestiques. En outre, le nourrissage au sol des pigeons est interdit par arrêté préfectoral ou communal un peu partout en France. Il convient donc de bricoler ou de se procurer des mangeoires spécialement dédiées pour vos hôtes à plumes. En voici donc quelques modèles :
Les distributeurs de boules de graisse
- La boule à filet suspendu : vous avez certainement remarqué que les boules de graisses industrielles sont souvent vendues dans des filets plastiques à suspendre. Mauvaise idée, car il s’agit de pièges mortels pour les Mésanges et Sittelles. Elles risquent alors de s’y emmêler les membres et de se les fracturer !
- Le distributeur silo : alternative tout d’abord recommandée pour les boules de graisse, les pains de graisse et les grosses graines comme les cacahuètes. Les mésanges pourront ainsi s’accrocher en sécurité aux barreaux. Enfin, ces modèles sont faciles d’entretien comme à recharger.
Les mangeoires en plateau
- La disposition au sol : rudimentaire mais à éviter. En effet, elle peut être interdite dans les parcs et lieux publics. Cependant, elle peut suffire pour déposer des fruits à l’attention des Grives et Merles.
- La mangeoire plateau : disposition horizontale des aliments, protégés ou non par une petite toiture, elle permet ainsi un accès facilité aux graines. Certains particuliers l’évitent car rapidement visitée par les Moineaux ou Verdiers, deux espèces particulièrement belliqueuses ! Certaines mangeoires plateau sont ainsi totalement ouvertes et leur surface augmentée. Elles peuvent donc attirer encore plus d’espèces (surtout si les aliments proposés sont suffisamment diversifiés). Son entretien est critique, car ouverte à l’humidité et accumulant des fientes. Point négatif, ces mangeoires, souvent installées à découvert, attirent alors les prédateurs comme le chat domestique ou l’Épervier !
Les silos ou mangeoires à graines
- La mangeoires silo à graines : de conception plus élaborée que le distributeur silo, cette mangeoire est aussi recommandée par les associations de protection de la nature. Elle possède un cylindre central fermé dans lequel sont stockées les graines, ainsi à l’abri des intempéries. Suivant les modèles, elle présente une coupelle basale et/ou des ouvertures latérales permettant l’accès aux graines. L’approvisionnement se fait par gravité, au fur et à mesure que les graines en bas du silo sont consommées. Plus délicate d’entretien, elle nécessite alors d’être correctement nettoyée pour éviter que des germes ne prolifèrent dans les interstices ou sur les graines non consommées.
- La mangeoire trémie : plateau horizontal de distribution ainsi surmonté d’un compartiment à graines fermé. Il s’agit donc d’un modèle pratique pour protéger de gros volumes de graines de l’humidité. Plus chère à l’achat, ou demandant un peu de bricolage, elle cumule les avantages, notamment en matière d’hygiène.
Quelques conseil pour disposer vos mangeoires :
Disposer correctement sa mangeoire est également indispensable, surtout pour éviter la visite de prédateurs. Elle doit alors être installée relativement à découvert, afin qu’aucun intrus ne puisse se mettre à l’affût des oiseaux. Vous pouvez aussi installer des obstacles, comme des colliers à pointes ou du grillage, pour stopper la progression des chats.
Un des principaux intérêts d’un nourrissage hivernal est tout d’abord l’observation de vos hôtes à plumes. N’hésitez pas à vous faire plaisir en disposant vos mangeoires à quelques pas d’une fenêtre (mais jamais contre une fenêtre, les risques de collision sont importants !) ou même d’un affût photographique, pour votre plus grand plaisir !
Abreuver les oiseaux
Nourrir les oiseaux en hiver est donc une bonne idée. Mais encore faut-il penser à les abreuver ! Cette bonne action peut donc se poursuivre toute l’année. L’eau liquide représente aussi une ressource capitale pour les oiseaux, surtout en cas de gelées ou de chutes de neige. De même en été, la canicule rend cette ressource également rare, ce qui autorise les particuliers à laisser des coupelles d’eau à disposition de leurs petits protégés.
Attention également à prendre soin que l’eau ne gèle pas en hiver. Il faut aussi que la coupelle soit régulièrement nettoyée pour éviter le développement de bactéries. De même, des micro-algues toxiques peuvent proliférer dans l’eau stagnante l’été. Évitez cependant tout additif chimique : anti-algues, alcool anti-gel, ou tout autre complément alimentaire ! Versez donc uniquement de l’eau potable.
L’abreuvoir ne doit pas provoquer la noyade des oiseaux : il existe des modèles à suspendre vendus dans les animaleries, mais une simple coupelle profonde de 2-3 centimètres maximum suffira. Enfin, si le récipient est trop profond, disposez des pierres plates pour créer un haut-fond artificiel.
Entretenir sa mangeoire
Etant fréquentées par bon nombre d’oiseaux, les mangeoires sont aussi des lieux de propagation des parasites et maladies (Wilcoxen et al., 2015). Une étude récente (Moyers et al., 2018) a notamment démontré la propagation rapide du pathogène Mycoplasma gallisepticum sur les lieux de nourrissage hivernaux. Les oiseaux examinés présentaient ainsi un taux élevé de contamination et exprimaient des teneurs importantes d’anticorps spécifiques à cette bactérie dans leur sang.
En outre, la concentration d’oiseaux sur un même lieu de nourrissage est propice à la propagation de maladies aviaires. Il est donc impératif de nettoyer régulièrement ses mangeoires afin d’éliminer les pathogènes. Le nettoyage peut ainsi être effectué avec un détergent doux : eau et savon de Marseille, produit de vaisselle bio, toujours à pH neutre. Laver puis rincer abondamment pour ne pas laisser de traces de détergent.
N’attendez cependant pas d’observer des oiseaux malades ou de retrouver des cadavres pour procéder à un grand nettoyage sanitaire ! Soyez donc consciencieux. En effet si une épidémie venait à sévir dans votre jardin, stoppez immédiatement le nourrissage. Afin de limiter la transmission, il faut éviter les rassemblements et il est donc impératif d’enlever les mangeoires et abreuvoirs. Effectuez un grand nettoyage, vérifiez aussi l’état de vos stocks, et repartez sur de bonnes bases après une quarantaine de 3-4 semaines.
Quelques maladies transmises dans les mangeoires
Citons tout d’abord la salmonellose, due aux bactéries du genre Salmonella sp. Elle est en effet la maladie la plus fréquemment véhiculée à la mangeoire. La maladie se propage alors par la nourriture ou l’eau contaminées par les fientes. Les individus malades présentent également des signes d’amaigrissement, signes de dépression, plumage ébouriffé, gonflement des paupières. En léthargie, ils peuvent aussi rester amorphes et constituer des proies faciles.
Nous avons en outre déjà cité la mycoplasmose, maladie liée à la bactérie Mycoplasma gallisepticum dans les mangeoires. Outre la mortalité respiratoire directe, la conjonctivite est un symptôme non-létal. Mais elle peut conduire à la cécité, qui est responsable d’inanition entraînant ainsi la mort de l’oiseau. Enfin, un oiseau malade devient une proie facile pour les prédateurs.
Depuis 2005, les Verdiers et Pinsons d’Europe occidentale sont également victimes d’une épidémie de trichomonose. C’ette’est une maladie parasitaire causée par le protozoaire Trichomonas gallinae. Une souche spécifique de ce pathogène est responsable de la trichomonose des Fringillidés. Elle apparait aussi comme un facteur responsable du déclin des populations de Verdiers. Hélas, le parasite profite de la promiscuité des oiseau à la mangeoire pour se transmettre.
Enfin, citons la récente épidémie de Suttonella ornithocola qui a décimé les Mésanges bleues allemandes. Cette bactérie affecte en effet les Mésanges sur les lieux de nourrissage. Elles sont alors apathiques, se pelotonnent et ne s’enfuient pas à l’approche d’une menace. Les voies respiratoires sont également atteintes et l’oiseau peine à se nourrir. Enfin, la maladie est hautement contagieuse ! En mars 2020, 26 000 oiseaux ont ainsi été signalés en seulement 12 jours.
Alerte influenza aviaire
L’épidémie d’Influenza Aviaire Hautement Pathogène (IAHP) qui sévit depuis l’automne 2021 en Europe semble se poursuivre encore en cet hiver 2022-2023. Les Passereaux seraient asymptomatiques lorsqu’ils sont infectés par les sous-types viraux d’IAHP. Cependant, ils peuvent potentiellement transmettre la maladie à des oiseaux sensibles comme les Palmipèdes ou les Galliformes. La plus grande vigilance est de mise ; privilégiez les distributeurs silos à graines qui minimisent les contacts. Ne dispersez pas de graines au sol (risques de souillures par les fientes). Enfin, désinfectez régulièrement vos mangeoires depuis l’extérieur, avec gants et masque de protection. Ne vous improvisez pas soigneur si vous trouvez un oiseau moribond ! Si vous découvrez un oiseau mort, ne le ramassez pas à mains nues. A partir de trois cas d’oiseaux retrouvés morts, contactez de préférence l’OFB qui alertera le réseau SAGIR (Réseau national de surveillance sanitaire de la faune sauvage).
Adopter une démarche éco-responsable
Comme nous l’avons vu précédemment, les objets plastiques se mêlent souvent aux graines et boules vendues en grandes surfaces. Enlevez tout d’abord les filet ou supports cassants afin d’éviter de blesser les oiseaux. Les Mésanges peuvent ainsi s’accrocher aux filets des boules de graisse. Elles s’y bloqueront alors les pattes et se les briseront en se débattant. Enfin, les petits bouts de plastique peuvent être confondus avec des aliments et ingérés par mégarde, perforant le tube digestif.
Évitez également les graines et semences agricoles enrobées d’insecticides, des études récentes ont montré que leur absorption provoque une perte de poids et une désorientation des passereaux. Préférez autant que possible nourrir les oiseaux avec des aliments issus de l’agriculture biologique, ou n’ayant pas subi de traitements phytosanitaires.
Faut-il nourrir les oiseaux aquatiques ?
Bien que cet article ne discute pas des oiseaux aquatiques, bon nombre d’entre vous ont déjà été tentés d’apporter du pain aux cygnes et canards barbotant sur un plan d’eau. Considérons tout de même que les oiseaux d’eau ont nullement besoin d’aide en hiver. De plus, comme nous l’avons vu précédemment, des aliments humains distribués aux oiseaux sont dangereux pour leur santé. Ils entraînent malformation des os, troubles digestifs, surpoids. De plus, le pourrissement des aliments non-consommés au contact de l’eau favorise aussi la propagation de bactéries (responsables du botulisme). Enfin, rappelons que le pain flottant fera le bonheur des rats …
De même que pour les passereaux, les canards ne sont pas des humains ! Il faut mieux nourrir les oiseaux aquatiques avec des aliments adaptés à leur régime herbivore : salade, petits pois, maïs, plus digestes et donc plus adaptés. Notez à nouveau que la plupart du temps, contrairement aux passereaux, les oiseaux aquatiques n’ont pas de difficultés particulières pour se nourrir l’hiver. Suivez donc cet adage empreint de sagesse : mieux vaut ne rien faire que de tenter le diable …
Bibliographie
Brittingham & Temple (1992). Does winter bird feeding promote dependency ? J. Field Ornithol. 63(2), 190-194.
Duquet (1997). Comment protéger les oiseaux. Editions Nathan, 272 p.
Jones & Reynolds (2008). Feeding birds in our towns and cities: a global research opportunity. Journal of Avian Biology. 39(3).
Moyers et al. (2018). Feeder density enhances house finch disease transmission in experimental epidemics. Philosophical Transactions of the Royal Society B. 373(1745).
Orams (2002). Feeding wildlife as a tourism attraction : a review of issues and impacts. Tourism Manag. 23, 281-293.
Powerlesland & Lloyd (1994). Use of supplementary feeding to induce breeding in free-living kakapo Strigops habroptilus in New Zealand. Biol. Cons. 69, 97-106.
Robb et al. (2008). Winter feeding of birds increases productivity in the subsequent breeding season. Biology Letters. 4, 220-223.
Støstad et al. (2019). Sperm head abnormalities are associated with excessive omega‐6 fatty acids in two finch species feeding on sunflower seeds. Journal of Avian Biology. 50 (3). https://doi.org/10.1111/jav.02056
Wilcoxen et al. (2015). Effects of bird-feeding activities on the health of wild birds. Conserv Physiol. 3(1): cov058.