Le lactose est un oside de la famille des glucides naturellement présent dans le lait. Pour bien le digérer, l’organisme doit exprimer une enzyme appelée lactase, dont tous les mammifères disposent à la naissance. Mais chez tous les mammifères terrestres, la production de lactase cesse après le sevrage. Presque aucun Mammifère adulte ne digère donc le lait, à l’exception partielle de l’espèce humaine. De plus, si donner du lait à un hérisson le rendra malade, cette boisson est par contre inoffensive pour la plupart de nos concitoyens. En effet, au sein de la population européenne, 70 à 90 % des individus possèdent un phénotype LP (Lactase Persistante). Ce caractère leur permettant de digérer efficacement le lactose.
Une mutation apparue au Néolithique
Selon les chercheurs, la mutation responsable de ce phénotype serait liée à la découverte de l’agriculture et de l’élevage au Néolithique. Elle débute voilà près de 10.000 ans et progresse dans la population à mesure que ces nouvelles pratiques se répandent depuis le Croissant Fertile (Proche-Orient) jusqu’en Europe. Mais elle était encore rare sur le vieux continent voici six millénaires. Il y a 6000 ans en Ukraine, 5% de la population présentait le phénotype LP. Comment expliquer qu’en l’espace de quelques millénaires, ce phénotype soit devenu quasi-exclusif en Europe mais rare en Asie centrale ?
Une étude récente apporte de nouvelles explications concernant le succès de cette prodigieuse diffusion du phénotype LP. Laure Ségurel, chargée de recherche au CNRS, est co-autrice d’une étude publiée dans la revue PloS Biology en octobre dernier. Pour cette biologiste, le succès de diffusion du phénotype LP s’explique aussi par de meilleures chances de survie et de reproduction (+ 4 %). En ces temps reculés, les épidémies étaient d’autant plus fréquentes que les mesures sanitaires quasi-inexistantes. Or boire du lait présente des avantages indirects, notamment en diminuant le risque de s’abreuver à une source d’eau contaminée !
L’agriculture à l’origine de cette diffusion rapide
Si de nos jours cet argument ne se tient heureusement plus, il a probablement favorisé la diffusion rapide du phénotype une fois bien implanté eu Europe. Il y a 3000 ans, 50% des populations étudiées présentaient ce phénotype. 2000 ans avant notre époque, 90% des individus étaient concernés. Mais l’argument sanitaire n’explique pas tout. Le phénotype LP accompagne des changements culturels qui ont nettement favorisé sa diffusion. Dans l’Europe de l’Ouest néolithique, le lait de vache riche en lactose a remplacé la large consommation de fromage de chèvre pauvre en lactose (ce sucre restant dans le « petit lait »).
Ce changement de régime a nettement favorisé le phénotype LP. Tandis qu’en Asie centrale, les populations nomades consommatrices de produits sans lactose ou de ferments bactériens dégradant déjà ce sucre n’ont eu aucune utilité de cette mutation. Le phénotype ne s’est alors pas maintenu dans ces populations. Ainsi de nos jours, seul un tiers de l’humanité présente le phénotype LP.