Nichoirs artificiels pour oiseaux : plus de mal que de bien ?

Et si les nichoirs artificiels avaient des effets négatifs pour les Passereaux ? Une synthèse de 321 articles scientifiques fait le bilan des connaissances actuelles. Ses auteurs concluent, à contre-sens des certitudes habituelles, que les nichoirs artificiels peuvent aussi entraîner un effet néfaste sur le succès reproductif de leurs hôtes !

nichoirs artificiels
Merlebleu de l’Ouest (Sialia mexicana) quittant son nichoir – Crédits : Kevin Cole / Wikimédia

Un manque flagrant de recul scientifique

Les connaissances sur les effets des nichoirs artificiels sont encore fragmentaires. Elles concernent principalement les Passereaux. Et pour être plus précis, les Mésanges et les Gobemouches qui nichent volontiers dans de telles structures fabriquées. L’étude de Zhang et al. (2023) se montre donc plutôt originale, puisqu’elle propose quelques grands axes de réflexion sur l’installation de ces structures artificielles. Voilà de quoi méditer avant toute pose de nichoirs dans l’environnement !

Vous connaissez forcément les critères classiques tels que la forme du nichoir, les dimensions du trou d’accès ou encore sa profondeur. Mais nous avons tort de croire que ces considérations suffisent à faire le bonheur de nos hôtes à plumes, comme l’argumentent les auteurs de cette review.

Quelques questions essentielles à se poser avant toute installation

Dans leur article, Zhang et al. (2023) posent différents points de réflexion, à la lumière de la bibliographie scientifique disponible. Il en ressort une liste de points essentiels à prendre en considération pour toute pose de nichoirs :

La qualité de l’habitat

Un examen minutieux de la qualité de l’habitat. La niche écologique regorge-t-elle de nourriture ? Son insuffisance créent une situation de compétition entre nicheurs, or une nourriture limitée peut entraîner une malnutrition et augmenter le taux de mortalité des oisillons.

Densité de nichoirs et communautés aviaires

Le placement de nichoirs trop denses sur une parcelle peut entraîner une réduction du succès de reproduction. Un nombre inapproprié de nichoirs entraîne également une compétition intra-espèces entre les populations migratrices et sédentaires pour le territoire et la nourriture. Il est malheureusement possible que l’ajout de nichoirs artificiels vienne au final modifier profondément les communautés aviaires d’un écosystème, et même en chasser certaines espèces au profit d’autres plus généralistes !

Les Invertébrés : proies mais aussi parasites !

La présence d’Insectes en abondance n’est pas forcément le seul critère à prendre en compte. Idéalement, il serait judicieux d’examiner quelles sont les communautés d’Invertébrés présents. En effet, il importe de savoir si les ressources alimentaires seront suffisantes. Mais aussi s’il existe des risques de parasitisme ou d’espèce envahissante, ce qui est rarement fait.

Or au sujet du parasitisme, un des soucis majeurs tout comme pour le nourrissage artificiel demeure le manque d’hygiène dans les vieux nichoirs. En effet ces derniers sont trop peu souvent entretenus. Il ne suffit pas de poser un nichoir, il faut aussi l’entretenir chaque année avant la nouvelle saison !

Positionner les nichoirs

L’emplacement vis à vis des conditions physiques est souvent mal choisi. Les conseils d’orientation ne prennent pas beaucoup en compte la diversité de biotopes; aussi un nichoir mal placé peut souffrir de températures ou d’humidités en-dehors des seuils requis pour nidification

Car tout est une question d’optimum ! Car des nichoirs soumis à des conditions météorologiques défavorables réduisent forcément les succès reproductifs. Trop d’exposition au soleil en ces périodes de canicules ou beaucoup trop secs peuvent entraîner une déshydratation des oisillons ou un dessèchement des œufs). A l’inverse, des conditions beaucoup trop humides augmentent par exemple les risques de moisissures.

L’impact des facteurs anthropiques

De même, une réflexion sur le dérangement humain est indispensable ! En ville ou dans les jardins, attention aux éclairages publics ou privés ! La lumière artificielle à long terme peut affecter la reproduction aviaire. La bibliographie de cette étude pointe notamment les effets perturbateurs sur le sommeil et le stress hormonal lié. Plus l’exposition est longue, plus les risques deviennent importants. Notons également les effets perturbateurs des feux d’artifice. Un facteur de dérangement pour les oiseaux de parcs et jardins publics en passe de devenir émergent.

Enfin nous ignorons encore beaucoup de choses sur l’impact du choix des matériaux pour les nichoirs artificiels, et notamment l’impact des solvants chimiques utilisés pour les agglomérés ou la fabrication de nichoirs. Cela représente un pan de recherche en écotoxicologie, mais également en matière de comportement animal via l’odorat.

Enfin, notons que la mise en évidence de nichoirs artificiels augmente les risques de prédation. Nous ne sommes pas les seuls à remarquer ces hôtes à plumes ! Et de manière tout à fait surprenante, les odeurs de solvants et de colle pourraient trahir la présence des nids. En effet, certains mésoprédateurs mammifères comme les fouines ou martres pourraient être sensibles à ces odeurs artificielles. Elles les associeraient, par expérience, dans leur recherche de nourriture. Le nichoir devient alors un distributeur de nourriture …

Conclusion

De nombreuses questions nécessitent réflexion avant d’installer des nichoirs artificiels. Elles ne remettent pas en cause l’intérêt de ces nichoirs pour attirer des passereaux insectivores comme auxiliaires biologiques en agriculture, par exemple. Ou pour le simple plaisir d’aider la biodiversité locale. Mais elles montrent qu’un nichoir mal placé peut se révéler dévastateur pour le succès reproductif du couple nicheur qui l’occupe. Et même perturber la communauté aviaire locale !

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