Espèce emblématique des Alpes, le Tétras-lyre est menacé en région PACA. Mais le galliforme est aussi chassable. Dans une consultation publique qui se tiendra jusqu’au 26 avril 2021 sur le site de la Préfecture des Hautes-Alpes, le plan de chasse annoncé pour la saison 2021-2022 atteint une fourchette maximale de 135 individus. De même, la Préfecture des Hautes-Alpes propose le prélèvement de 162 Perdrix bartavelles.
Un symbole montagnard en déclin
Le Tétras lyre est typiquement un oiseau montagnard qui vit aux interfaces entre la forêt et les milieux ouverts. Disparu des Ardennes, il est désormais présent en France uniquement dans les Alpes. Il se rencontre à la lisière supérieure des arbres entre 1400 et 2300 m d’altitude. Son habitat doit conserver une strate herbacée ou d’éricacées bien développée, indispensable à l’élevage des nichées. Dans les Alpes du nord, son habitat typique comprend les landes à rhododendrons et les prairies subalpines. Dans les Alpes du sud, il occupe des formations faiblement boisées de mélèze et de pins ou de chênes et de hêtres. Il habitait aussi autrefois les landes tourbeuses et les lisières des chênaies dans les Ardennes.
Les raisons du déclin de ses effectifs alpins sont multiples. La chasse n’est pas un facteur majeur du déclin de l’espèce. En effet, d’autres activités humaines sont majoritairement responsables. Le pastoralisme intensif, mais aussi la déprise agricole, entraînent des dégradations majeures de ses habitats. Le tourisme alpin comme le ski fragmente ses habitats et provoquent des dérangements hivernaux critiques pour la survie des individus. Enfin, l’artificialisation de ses habitats menace localement sa survie. Le développement des infrastructures touristiques dans les Alpes du Nord impactent ainsi plus de 30% de son aire de présence. Enfin, se rajoutent la prédation par le renard et les épizooties.
Des plans de chasse critiqués
L’espèce est chassable (coqs maillés uniquement) dans presque tous les départements alpins (sauf le Var). Un plan de chasse légal progressivement mis en place à la fin des années 1990 fixe chaque année des quotas départementaux en fonction du succès de la reproduction. La chasse peut prélever moins de 5% de la population automnale de coqs sans pour autant menacer la pérennité des populations. Cette réglementation a conduit à une baisse importante du tableau de chasse. De 1000 coqs au début des années 2000, puis moins de 400 coqs fin 2010, le nombre d’attributions devait chuter autour de 100 coqs en 2021. Pour les fédérations et sociétés de chasse alpines, le maintien de ces attributions de chasse s’interprète aussi comme une récompense suite aux efforts investis en faveur de l’espèce.
Les associations de protection de la faune sauvage ont mené plusieurs recours face à ces attributions. La chasse du Tétras-Lyre a ainsi fait l’objet d’annulations et de suspensions par le Tribunal administratif de Marseille en 2017, 2019 puis 2020. La Direction départementale des territoires a proposé de ramener le nombre d’attributions de 135 à 98 tétras-lyre cette année. Mais la Fédération départementale des chasseurs des Hautes-Alpes a fini par obtenir le même quota que l’année précédente. La LPO et la Société alpine de protection de la nature (SAPN) s’opposent à cette décision. Elles invitent leurs adhérents et sympathisants à s’y opposer dans le cadre de la consultation publique. Ces deux associations rappellent que le Tétras-lyre est classé vulnérable sur la liste rouge de l’Union internationale de conservation de la nature (UICN) des oiseaux menacés en 2020 en Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Une discorde irréconciliable ?
Le dissentiment parfois violent qui oppose chasseurs et écologistes n’est hélas pas prêt de se résoudre. L’inscription du Tétras-lyre comme espèce vulnérable sur la liste rouge de l’UICN signifie qu’il a besoin de mesures de protections. Ce qui est le cas avec un Plan d’action en faveur du Tétras-lyre. La chasse est considérée comme une cause mineure de déclin de l’espèce. Et les sociétés et fédérations de chasse sont aussi impliquées dans différentes mesures de sauvegarde de l’espèce.
Cette équation complexe peut sembler paradoxale, mais garantit aussi l’engagement de l’ensemble des acteurs sur le terrain. Il est évident qu’un moratoire à moyen terme sur la chasse montagnarde du Tétras-lyre pourrait constituer une mesure de sauvegarde. Mais un tel moratoire, souhaité par bon nombre d’ornithologues, pourrait avoir des effets néfastes sur les mesures de sauvegarde de l’espèce. Non seulement l’efficacité d’une telle mesure reste difficile à pronostiquer, mais elle risquerait de démobiliser un acteur cynégétique montagnard important du Plan d’action. En conclusion, seule la réduction du nombre d’attributions représente pour le moment un compromis soutenable pour le Tétras-lyre. Demeurent les autres facteurs de dérangement, comme la déprise agricole, la fragmentation des habitats et le dérangement sportif. Ils sont plus pernicieux que la chasse, car provoquant une mortalité indirecte plus difficile à corriger.