Comment la pression de pâturage influence l’alimentation des Oiseaux insectivores montagnards ? Une étude menée sur le Pipit spioncelle et le Traquet motteux dans les Alpes et les Pyrénées occidentales ouvre plusieurs angles de réflexion.
Dans les prairies alpines, le pâturage des animaux domestiques influence indirectement la richesse spécifique et de l’abondance des Oiseaux alpins. Ceci en raison de la modification de leur habitat à l’échelle du paysage. L’étude de Chiffard et al. (2023) sur le pastoralisme et les Oiseaux montagnards implique principalement des co-auteurs de l’Université de Montpellier. Elle est publiée dans la revue Agriculture, Ecosystems & Environment.
Rechercher le lien entre pastoralisme et Oiseaux montagnards
Comme il existe un lien entre pression de pâturage et communautés d’insectes, le but de cette étude est de tester l’existence d’une interaction trophique indirecte entre les Oiseaux insectivores montagnards et les cheptels pâturant les alpages français. Chaque été dans les paysages montagnards des Alpes et des Pyrénées, plus de trois millions d’ovins et de bovins essentiellement pâturent sur place pendant deux à cinq mois. Cette pression, hétérogène et dynamique, permet aux chercheurs de mener une stratégie d’échantillonnage.
Ils ont ainsi récolté les fèces de Pipits spioncelles et Traquets motteux sur différents sites montagnards en fonction de l’intensité de pâturage et sa durée. Puis, ils comparent ces données à des sites non-pâturés ou abandonnés après des décennies d’exploitation. Après le prélèvement des échantillons, les chercheurs ont mesuré les rapports isotopiques stables du carbone et de l’azote (δ13C et δ15N) et les teneurs en carbone et azote des excréments d’Oiseaux et d’insectes. Enfin, ils ont finement analysé les résultats grâce aux outils statistiques.
Les résultats montrent que les valeurs de δ15N mesurées dans les fèces augmentent le long du gradient d’intensité de broutage. Ceci démontre une relation trophique claire (mais bien entendu indirecte) entre troupeaux pâturant en montagne et les Oiseaux insectivores. En gros, les Oiseaux insectivores montagnards ne consomment pas les mêmes Arthropodes en fonction du gradient de pression de pâturage. Ce gradient, associé à de gros herbivores domestiques, modifie en conséquence la diversité d’Arthropodes présents. Plus exactement, les Pipits spioncelles et les Traquets motteux consomment des insectes herbivores sur les sites à faible pression de pâturage.
Conclusion
Dès que les troupeaux broutent les pâturages étudiés, le régime alimentaire de ces Oiseaux montagnards se modifie. Il s’oriente vers des Arthropodes à niveau trophique supérieur dans le milieu. Et notamment des Arthropodes détritivores, prédateurs ou coprophages. Cette étude d’écologie appliquée renseigne les interrogations écologiques sur la pression du pastoralisme en montagne. Mais elle soulève aussi beaucoup de nouvelles questions, comme souvent en recherche !
En effet, le suivi isotopique permet de remonter le niveau trophique des proies prédatées. Mais il ne détermine pas précisément la diversité de ces Arthropodes. Un suivi par DNA metabarcoding permettrait d’identifier des communautés d’insectes dans les fèces d’Oiseaux. Il n’empêche que cette étude offre quelques éléments de réflexion en écologie montagnarde. Elle pourrait également déboucher sur des réflexions plus poussées, notamment dans le contexte actuel de déclin des insectes.