Quel avenir pour l’Ours brun pyrénéen ?

Au lendemain du braconnage d’un Ours brun en Ariège, de nombreuses voix s’élèvent quant à l’avenir de l’Ours pyrénéen. Avec une cinquantaine d’individus présents dans le massif, la population est en nette croissance (+ 59% par rapport à 2017). Un beau succès pour les programmes de conservation locale et de réintroduction d’Ours bruns d’origine slovène en renfort des effectifs.

L’objectif affiché n’est pas de conserver un patrimoine génétique « pur ». Mais d’assurer la présence de l’espèce dans son dernier habitat favorable français. Car pour Ursus arctos arctos, la souche pyrénéenne est désormais considérée comme éteinte. La réintroduction d’Ours bruns slovènes répond à un double cahier des charges : proximité génétique et habitats comparables. Cependant, une forte hostilité locale vient entacher ce succès de conservation de l’Ours.

Aire de répartition de l'Ours brun dans les Pyrénées en 2019.
Une hostilité croissante

Depuis 2016, une forte augmentation du nombre d’attaques attribuées à l’Ours (cheptels et ruches) cristallise les tensions entre éleveurs et naturalistes. Les professionnels du tourisme profitent de la notoriété du mammifère. L’Ours attire les visiteurs. Mais des témoignages de randonneurs relayés dans la presse alimentent la « psychose » d’une rencontre avec le plantigrade. Aux manifestations et déclarations politiques, s’ajoutent hélas des actes de braconnage. Comme ceux suspectés pour les deux Ours bruns retrouvés morts en avril et juin 2020. L’espèce étant protégée, l’acte est passible de 3 ans de prison et 150 000 € d’amende.

Ces derniers jours, le programme de réintroduction lui-même est sous le feu de la critique. Dans le plan d’actions Ours Brun 2018-2028, le Ministère de la Transition Écologique actait le remplacement de tout Ours mort par cause anthropique. Mais l’émotion médiatique fait apparaître des voix opposées à ce principe, notamment dans le camp des animalistes. L’argument principal évoqué est la souffrance animale par mort violente et cruelle.

Émotion médiatique et viabilité des la population

Mais face à l’émotion suscitée, faut-il alors renoncer au plan de sauvegarde de l’Ours brun dans les Pyrénées ? Rappelons tout d’abord que la population actuelle d’Ours, bien qu’en croissance, n’est pas encore viable à long terme. Car pour garantir une conservation à long terme, le seuil d’Ours reproducteurs doit atteindre les 50 individus. Avec un sex-ratio le plus équilibré possible et une bonne diversité des profils génétiques. Cette situation idéale ne pouvant être atteinte sans l’importation de nouveaux individus, les lâchers d’Ours slovènes doivent se poursuivre.

Un argument souvent repris sur les réseaux sociaux pointe du doigt l’ironie d’arracher un Ours slovène de son habitat d’origine pour l’introduire en France, où il pourrait être braconné. En réalité, un Ours slovène réintroduit dans les Pyrénées a plus de chances de survie que dans son pays d’origine. En effet, avec pour le moment 2 ours suspectés de braconnage pour 2020, le risque de mortalité pour cause anthropique en France est de P = 1/25. Tandis qu’en Slovénie, la population d’Ours (estimée à 500 individus minimum) est chassable. Les quotas de prélèvement atteignent 100 têtes en moyenne (113 max en 2007). Soit un risque de mortalité annuelle pour cause anthropique de P = 1/5.

Enfin, abandonner le programme de conservation de l’Ours brun dans les Pyrénées après cet acte de braconnage constituerait une victoire pour la minorité violente. Celle-là même qui n’entend apporter aucune contribution au débat. L’Etat de droit ne peut céder à la violence. La poursuite en justice des coupables et le maintien des réintroductions d’Ours brun dans les Pyrénées doivent constituer des signaux forts. Car face aux dégâts attribués aux Ours, la meilleure réponse consiste en la recherche concertée et l’application de solutions de gestion des agrosystèmes.

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