Le déclin des populations d’oiseaux européens serait lié aux pratiques agricoles, selon l’article de Rigal et al. (2023) paru dans les PNAS. Un coup de tonnerre scientifique alors que le Président Emmanuel Macron fait polémique avec son appel à la « pause » des normes environnementales européennes.
Le déclin de la biodiversité n’est plus à démontrer. Néanmoins, la quantification des facteurs anthropiques responsables de la baisse significative des populations d’oiseaux européens demeure encore mal renseignée. En suivant 170 espèces différentes sur 20.000 sites européens (28 pays), Rigal et al. se sont penchés sur quatre facteurs principaux de déclin :
- 1. L’intensification des pratiques agricoles
- 2. L’augmentation de la couverture forestière
- 3. L’urbanisation / artificialisation des milieux
- 4. Le réchauffement climatique
Leurs analyses statistiques démontrent que l’intensification des pratiques agricoles, en raison de l’emploi de pesticides et fertilisants, demeure la principale pression négative s’exerçant sur les populations aviaires européennes au cours des dernières décennies. Pour autant, les pratiques agricoles sont un facteur majoritaire, mais loin d’être uniques. Les causes de ce déclin demeurent bien multifactorielles. Une bien mauvaise nouvelle pour l’avifaune, puisque la combinaison de ces facteurs négatifs affecte, à court terme, la résilience des populations d’oiseaux.
L’augmentation de la pression agricole sur les milieux peut se traduire par plus d’intrants chimiques, comme mis en avant ici par Rigal et al. (2023). Or les populations d’insectes et d’invertébrés sont particulièrement sensibles à ces facteurs. Le déclin des invertébrés dans les milieux agricoles affaiblit par conséquent les réseaux trophiques. Les oiseaux insectivores en sont par conséquent affectés.
Mais en plus des pratiques agricoles, d’autres facteurs anthropiques entrent également en jeu. L’urbanisation et l’artificialisation des milieux provoquent aussi de graves dégradations des habitats agricoles, apportant leur lot de pollutions chimiques et nuisances physiques. Les données disponibles suggèrent en conséquence un impact négatif pour la plupart des espèces aviaires. Le réchauffement climatique et ses épisodes météorologiques extrêmes affecte également les populations aviaires, en particulier celles fréquentant des habitats déjà soumis à des contraintes climatiques spécifiques.
L’augmentation de la couverture forestière peut sembler à priori une bonne nouvelle. Car mathématiquement plus la surface augmente, plus l’abondance totale augmente. Mais ce facteur positif cache une toute autre réalité : la qualité de l’habitat. En effet, l’augmentation des surfaces forestières en hausse ne signifie pas pour autant habitats de qualité. Les surface forestières gagnées à l’échelle du territoire sont soit des parcelles encore trop jeunes, soit des plantations « artificielles » ou monospécifiques. Ces deux catégories ne peuvent fournir que des écosystèmes forestiers pauvres. En conséquence, l’abondance totale augmente, mais la richesse spécifique demeure faible.
L’impact négatif de l’intensification agricole sur le déclin des oiseaux est un phénomène signalé depuis longtemps, en particulier pour les oiseaux insectivores. Mais cette étude fournit de nouvelles preuves quantitatives de l’impact majeur de ce facteur agricole sur le déclin des oiseaux. Compte-tenu des conséquences négatives de cette pression agricole intensifiée, les auteurs appellent à une prise de conscience politique. Et notamment à l’application de réformes environnementales ambitieuses en faveur de la biodiversité. Un message clair et nécessaire, mais sera-t-il entendu ? Alors que la classe politique polémique sur la « pause réglementaire européenne » de Macron, il est à redouter que les intérêts de nos dirigeants ne rejoignent pas l’urgence du message scientifique.