A la mauvaise saison, il n’est pas rare de croiser dans l’Est de la France des groupes de Cygnes venus du Grand Nord : le Cygne chanteur (Cygnus cygnus) et le Cygne de Bewick (Cygnus colubianus). Leur distinction par rapport au Cygne tuberculé est chose facile. Cependant, la reconnaissance entre ces deux espèces nécessite un œil averti !
Biologie des Cygnes septentrionaux
Les matinées froides et brumeuses des mois d’hiver réservent parfois de belles surprises. Un matin de février, une famille de Cygnes de Bewick s’était posée sur un plan d’eau artificiel, à quelques kilomètres de Clermont-Ferrand. Leur grande masse blanche avait de quoi se faire remarquer parmi les Nettes rousses et les Fuligules milouins. Mais leur identification nécessitait un peu plus d’attention.
Les Cygnes septentrionaux (Cygne chanteur et Cygne de Bewick) se repèrent en hiver autant par leur masse blanche imposante que par leurs cris trompeteurs. Le Cygne de Bewick, pour sa part, émet des cris évoquant plus l’aboiement. Ils peuvent ainsi se poser dans les prairies, zones humides, marais, lacs et plans d’eau, ou encore le long du rivage. Leur régime alimentaire demeure herbivore : zostères, rupelles, potamots, prêles, élodées, ou encore diverses Graminées et Fabacées.
Ces Cygnes nichent dans les taïgas de Scandinavie, Islande ou encore Sibérie centrale, du moment que le paysage comprend un lac ou un étang. Le Cygne de Bewick est un nicheur encore plus septentrional que son cousin, puisque son aire s’étend au Nord-Ouest de la Russie jusqu’à la Nouvelle-Zemble. Les couples sont fidèles et les familles défendent leurs territoires. Mais en dehors de la saison de reproduction, ils sont sociables et les groupes d’oiseaux hivernants inter-espèces ne sont pas rares.
Phénologie de la migration
Ces deux espèces sont migratrices. Les Cygnes chanteurs nichant en Islande sont fortement connectés aux sites d’hivernage en Irlande, en Écosse et dans le nord de l’Angleterre. Ceux nichant dans l’ouest de la Finlande et de la Suède rejoignent des sites d’hivernage dans les Pays-Bas et le long de l’Elbe en Allemagne. Les oiseaux se reproduisant en Pologne, dans la Baltique et le sud de la Finlande passent l’hiver dans l’est de l’Allemagne et le long de l’Elbe et de l’Oder. Le Cygne de Bewick se concentre pour sa part en hiver sur les rivages de Mer du Nord, entre le Bénélux et l’Allemagne.
Le Cygne de Bewick n’effectue pas vraiment de migration active en France. L’essentiel des arrivées post-nuptiales ont lieu en novembre, et le plus gros des passages s’achève en décembre. Les principaux sites d’hivernage sont en Champagne-Ardenne et Camargue. La migration pré-nuptiale a lieu entre fin février et fin mars. La phénologie de migration printanière semble associée à la fonte des glaces en Sibérie arctique.
Le Cygne chanteur quitte en Islande ses zones de reproduction dès le mois de septembre. Ce qui explique les observations de l’espèce au mois d’octobre en Bretagne. Chaque coup de froid va également favoriser les déplacements hivernaux. Aussi les sites d’hivernage du Nord-Est de la France ne sont pas forcément occupés avant les premières vagues de froid. Les départs en migration pré-nuptiale sont précoces, et la plupart des Cygnes chanteurs sont repartis avant début mars.
Identification des Cygnes septentrionaux
Nous avons déjà évoqué les cris des Cygnes septentrionaux. Mais lorsqu’ils sont silencieux et nageant sur l’eau, l’identification par le bec est alors plus facile. Or cette technique requiert une longue-vue pour plus de facilités ! Le Cygne tuberculé présente cependant un bec rose, avec une excroissance prononcée selon le sexe à sa base sous le front. Il est donc aisé de le différencier à la jumelle des autres cygnes. Pour rappel, le Cygne noir a également un bec rouge avec une marque blanche en son extrémité. Aussi, même en dehors de la couleur de plumage, le critère du bec demeure un bon moyen de détermination.
Les Cygnes septentrionaux ont un bec jaune vif et noir. Les motifs de contrastes vont alors permettre de les différencier. Le Cygne chanteur présente ainsi un motif latéral triangulaire et jaune pointant à l’intérieur de l’extrémité noire. Alors que le Cygne de Bewick présente un motif noir élargi à la commissure du bec et remontant vers sa base. Les narines du Cygne chanteur sont également à la limite du contraste noir et jaune. Tandis que les narines du Cygne de Bewick sont clairement dans la zone contrastée noire. Il ne reste plus qu’à vous entraîner sur le terrain cet hiver. Bonnes observations !