Le Living Planet Index : un indicateur limité

Vous connaissez probablement déjà le Living Planet Index, développé par le WWF et la Société Zoologique de Londres. Cet indicateur de l’état de la biodiversité spécifique mondiale sert notamment de base de réflexion pour la COP15 de Montréal. Mais cet indicateur a aussi ses limites.

Il est toujours difficile de rédiger un billet critiquant un indicateur aussi populaire auprès du grand public, et des ONG. D’autant plus que cet indicateur d’abondance suit pas moins de 31 821 populations parmi 5 230 espèces à travers le monde. Cependant, tout indicateur a ses limites. Il est donc important de les garder à l’esprit dès lors qu’on l’utilise pour renseigner l’état de la biodiversité spécifique. Il s’agit d’une simple mais importante question de démarche scientifique.

Un chiffre-clé du Living Planet Index souvent relayé parle d’un déclin des Vertébrés 69%. Mais cela veut dire quoi ? Contrairement à une idée répandue, il est faux de prétendre que 69 % des individus ont disparu entre 1970 et 2018. En réalité, sur les 31 821 populations de Vertébrés suivies, le déclin moyen global des effectifs est de 69%. Ce chiffre correspond donc au pourcentage moyen de populations dont les effectifs sont en baisse. Ce qui est forcément très différent des arguments souvent croisés dans la presse ou les réseaux sociaux !

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Des faiblesses statistiques

L’indicateur présente cependant des faiblesses d’échantillonnage. Limité aux Vertébrés, il ne comprend que 16% des Oiseaux connus, 11% des Mammifères, 6% des poissons et 3% des Reptiles et Amphibiens. A cette critique sur la richesse spécifique retenue, s’ajoute aussi la limite d’un indicateur moyenné global. Prise à l’échelle de différents pays ou continents, cette valeur de déclin moyen fluctue forcément !

Enfin comme le soulignent Leung et al. (2020) dans un article de revue Nature, l’indice Living Planet Index est sensible aux valeurs aberrantes. Ce qui signifie que des déclins ou des augmentations trop brutales ont une influence statistique notoire sur les indices moyennés. C’est tout le problème de la méthode de calcul : comme pour les notes trop disparates d’un élève, même s’il a de bons résultats, un zéro pointé va venir plomber sa moyenne générale !

Attention cependant, l’indice Living Planet Index utilise une méthode de calcul plus complexe qu’une simple moyenne. Le calcul nécessite un bon niveau en mathématiques ! Il s’agit en fait d’une moyenne géométrique d’abondance relative, telle que décrite par Buckland et al. (2011).

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La critique formulée par Leung et al. (2020)

L’idée de Leung et al. (2020) consiste donc à reprendre ces calculs, mais en sélectionnant les valeurs aberrantes sur le plan statistique pour les isoler du jeu de données initiales et ainsi étudier leur influence sur l’indicateur. En supprimant les 10 % de populations les plus extrêmes, les chercheurs ont obtenu un déclin moyen de 42 % depuis 1970. En retirant 2,5 %, 5 % et 10 % des populations les plus extrêmes en déclin et en augmentation, l’indice moyen global des effectifs recalculé fluctue !

Les méthodes de calcul sont particulièrement importantes ; avec la même base de données initiales, Daskalova et al. (2020) ont analysé près de 10 000 populations pour 2000 Vertébrés du Living Planet Index. En prenant également en compte l’aire de répartition géographique, les types d’habitats fréquentés, les liens taxonomiques ainsi que les catégories UICN, ils obtiennent d’autres tendances globales tout aussi intéressantes. Ils constatent ainsi que 15 % des populations ont diminué, 18 % ont augmenté et 67 % n’ont montré aucun changement net au fil du temps. Les Amphibiens montrent eux des déclins nets, contrairement aux taxons des Oiseaux, Mammifères ou Reptiles.

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Comparaison des indices de déclin selon le retrait de données extrêmes. D’après Leung et al. (2020)

Conclusion

Tout est donc une question d’interprétation statistique du jeu de données. Or pour autant, doit-on rejeter l’indice Living Planet Index ? Ce serait à mon sens exagéré. Le principe même d’un indicateur est de fournir une référence dépendante de sa méthodologie. Or l’indice montre clairement une situation disparate des populations mondiales de Vertébrés, témoignant de causalités complexes et multifactorielles. C’est donc un précieux témoin des difficultés actuelles auxquelles se heurte la biologie de la conservation.

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