Depuis quelques temps, de nombreux guides et sites web mettent à jour leurs pages dédiées à cette Chouette montagnarde et la rebaptisent Nyctale de Tengmalm. Alors que justifie ce changement de nom commun ? Dans cet article, je vous propose un début d’explication à partir de la classification phylogénétique des Strigiformes.
Ecologie de l’espèce
La Nyctale de Tengmalm (Aegolius funereus) est un petit rapace nocturne, de la taille d’une chevêche. Espèce appartenant à la faune boréale, elle niche en Europe, en Asie et en Amérique du Nord. En France, la Nyctale de Tengmalm occupe les régions montagneuses (Vosges, Jura, Massif central, Préalpes, Alpes, Pyrénées) ainsi les principaux plateaux du Grand Est (Ardennes, plateaux lorrain, champenois et bourguignon, Morvan). L’espèce connaît une nette progression de sa distribution, ainsi qu’une tendance à l’expansion vers le sud-ouest de la France.
Ce rapace nocturne est partiellement sédentaire mais encore mystérieux en dehors de la période de reproduction. En France, la Nyctale de Tengmalm habite indifféremment les massifs résineux et les forêts mixtes de moyenne montagne. Elle se retrouve aussi dans les boisements feuillus de plateau. Elle se nourrit essentiellement de campagnols, mulots et musaraignes. Si l’espèce se porte bien, l’exploitation intensive sylvicole, les peuplements homogènes et parcelles rajeunies représentent des menaces sérieuses.
Classification des Strigiformes
Depuis quelques années, la classification phylogénétique des Strigiformes connaît de nombreuses mises à jour. Désormais, les « chouettes » de nos anciens guides ornithologiques se distribuent dans différentes sous-familles. Notre petite chouette de Tengmalm n’échappe pas à la règle ! En effet, les phylogénéticiens proposent une classification basée sur la comparaison de séquences génétiques communes. Pour illustrer cette nouvelle approche, prenons le gène du cytochrome b. Il s’agit d’une protéine présente dans les mitochondries des cellules eucaryotes. Elle agit au sein du processus oxydatif de la chaîne respiratoire, et son rôle est indispensable à la production énergétique cellulaire.
Comparer la variabilité des séquences du gène du cytochrome b selon les espèces s’avère efficace pour déterminer leurs relations phylogénétiques. En effet, ces séquences permettent d’établir des arbres phylogénétiques au sein de familles et genres. La comparaison des séquences du cytochrome b a ainsi permis de réécrire de nombreuses classifications ! C’est ce que je vous propose dans la figure ci-dessous, réalisée à partir de séquences disponibles sur NCBI et du logiciel Geniegen2. Grâce aux séquences de différentes espèces de Strigiformes européens, il apparaît en effet que l’usage du terme de « chouette » est désormais paraphylétique. Les « véritables » chouettes appartiennent désormais au genre Strix. Tandis qu’il devient plus logique de rebaptiser « Nyctales » tous les rapaces du genre Aegolius !
Rebaptiser les noms communs d’oiseaux renfrogne de nombreux ornithologues, qu’ils soient professionnels ou amateurs. Mais dans le cas de la Nyctale de Tengmalm, il faut bien reconnaître que ce changement est aussi judicieux qu’en son temps pour la Chevêche d’Athéna. Pour ma part, c’est décidé, l’analyse du phénogramme m’a convaincu de mettre à jour mes carnets de notes !