Les Oies cendrées provoquent des dégâts agricoles au Pays-Bas du fait de leur surnombre. A tel point que les autorités locales appliquent des solutions radicales pour réguler leurs populations ! En France, la période de chasse des Oies hivernantes fait débat. De nombreux sauvaginiers rétorquent qu’il est aberrant de protéger en France des oiseaux qui seront euthanasiés aux Pays-Bas. Mais s’agit-il vraiment des mêmes oies ? Dans un récent numéro de la revue Faune Sauvage (n°325 jan-mars 2020), un article revient sur les origines géographiques et voies de migration des Oies cendrées en France. Et les données scientifiques récentes vont raviver la polémique ! Car selon l’état de l’art, les Oies hivernantes françaises ne viennent pas des Pays-Bas mais de Scandinavie.
Les oies sauvages en France
Michel Delpech les avaient vu passer par-dessus l’étang. Elles descendaient vers le Midi, la Méditerranée. Mais d’où venaient-elles exactement ? La chanson reste silencieuse sur ce point. Mais commençons par un petit point d’identification des espèces d’Oies sauvages visibles l’hiver en France :
- L’Oie cendrée (Anser anser). Notez le bec et les pattes couleur chair ainsi que la tête aux joues grises pâles.
- L’Oie rieuse (Anser albifrons). Bec et pattes orangés, tête sombre à anneau blanc frontal (dès le 1er hiver). Le ventre est grossièrement barré chez les adultes. Hivernante, elle niche dans les toundras russes.
- L’Oie des moissons (Anser fabalis). Pattes oranges, tête sombre, bec sombre à tâche orange variable selon la sous-espèce. Ventre barré.
Une réalité néerlandaise
La prolongation de la période de chasse aux Oies sauvages en France fait débat. Un argument souvent avancé par les chasseurs rappelle que les Pays-Bas gazent les populations en surnombre des Oies cendrées, en raison des dégâts agricoles provoqués par l’espèce. Ce qui est vrai. Selon Powolny et al. (2018) les dégâts s’estiment à 9,4 millions d’euros en 2017. Outre les dégâts agricoles, les concentrations massives d’oies sauvages font courir un risque sur la propagation d’influenza aviaire et menacent parfois la sécurité aérienne.
La situation néerlandaise est liée à une alternance de zones agricoles et réseaux humides propices à l’espèce. Le ratio de survie d’un poussin néerlandais est de 0,8-1 soit un succès reproductif favorable à l’explosion des populations ! Aussi les oies grises néerlandaises sont régulées massivement au printemps ou en été : destruction des nids et des jeunes, gazage au dioxyde de carbone (CO2) des adultes. Oui, la régulation c’est moche, et non, tuer massivement pour réguler un écosystème ça ne se décide jamais à la légère.
Les Oies cendrées hivernantes en France ne sont pas néerlandaises
L’argument est donc tout trouvé : il est scandaleux de gazer les oies aux Pays-Bas alors qu’on interdit de prolonger la chasse en France. Pour un peu, nous aurions même droit à des considérations de bien-être animal ! Seulement voilà. Ce ne sont pas les mêmes populations. Le plan de management AEWA des populations d’oies cendrées définit 3 populations ou MUs (management units), la MU3 de Pays-Bas étant principalement résidente (Powolny et al., 2018). Et les travaux de Bacon et al. (2019) montrent que la MU3 pour la population des Pays-Bas est clairement résidente non-migrante.
Comme le rappellent Guillemain et al. (2020), les oies migratrices et hivernantes en France ne sont tout simplement pas celles détruites aux Pays-Bas. C’est pourquoi l’argument utilisé pour prolonger la durée de chasse à l’oie cendrée en France ne tient pas vraiment debout. Au mieux pourrait-il se justifier pour les oies suédoises et leur régulation sur leurs zones de reproduction, où elles provoquent aussi des dégâts.
Mais les suédois, avec un quotas de chasse triplé par rapport à la France n’en font pas à ma connaissance la demande spécifique. Car en définitive, le débat de la régulation de l’oie cendrée est avant tout européen et pas uniquement franco-français…
Conclusion
Les Oies euthanasiées aux Pays-Bas ne sont donc pas celles qui fréquentent la France en hiver. Pareil pour la Camargue qui accueille des populations hivernantes d’Europe centrale. Cependant les oies scandinaves provoquent aussi des dégâts agricoles et sur les écosystèmes naturels. Les écologues travaillant sur ce sujet de recherche préconisent un plan de gestion de chasse adapté au niveau européen et fort de ces données scientifiques récentes. Est-ce pour autant la fin du débat sur la chasse aux oies cendrées en France ? Pas si sûr !