L’histoire de la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) est assez méconnue du grand public et même des naturalistes. Et pourtant, elle représente un témoignage exceptionnel de la prise de conscience progressive d’une nécessaire protection de la nature. Dans cet article, synthèse de mes notes personnelles sur le sujet et de l’ouvrage de Rémi Luglia, je vous propose un résumé de la fondation de l’association et de ses trois premières présidences.
Louis Magaud d’Aubusson : de la Société d’acclimatation à la LPO
Louis Magaud d’Aubusson est un auvergnat, né à Clermont-Ferrand le 11 mars 1849. Ce docteur en droit et avocat au barreau parisien n’avait pas le profil d’un scientifique. Mais il se découvrit une passion pour la chasse au gibier d’eau après avoir séjourné en Baie de Somme. Et voilà que notre avocat, tombé sous le charme du gibier d’eau, succombe aussi à la fauconnerie. Il rédigea même un traité sur le sujet, devenant une référence en matière de biologie des rapaces !
En 1880, il entre à la Société d’acclimatation, et devient un ornithologue sur-actif de cette société naturaliste. Il publie des traités sur les Corvidés, les Gallinacés d’Asie, l’Etourneau, et sans oublier de donner ses lettres de noblesse au gibier d’eau.
De retour en France en 1907 après un long séjour à l’Institut égyptien du Caire, il est élu administrateur de la Société d’acclimatation et président de sa section d’ornithologie. C’est alors que va s’opérer une démarche décisive. En 1908, un autre membre de la Société d’acclimatation, Albert Chappellier, rentre d’un voyage dans l’archipel des Sept îles en Bretagne, où il constate de manière désabusée le mauvais état de la colonie de macareux moines. Et pour cause : la Compagnie des chemins de fer de l’Ouest organisait des parties de chasse pour ses clients, avec la bénédiction des naturalistes locaux !
Albert Chappellier mûrit le projet d’une action semblable à la Royal Society for the Protection of Birds (Royaume-Uni ; fondée en 1889) au sein de la Société d’acclimatation. Cela prendra quatre ans, avant que plusieurs membres de la Société ne franchissent le pas. En janvier 1912, Albert Chappellier et d’autres collègues de la Société d’acclimatation, dont Louis Magaud d’Aubusson, fondent une sous-section de protection des oiseaux : la « Ligue française pour la protection des oiseaux » (LPO) !
A l’époque encore incluse dans la Société d’acclimatation, elle se dote néanmoins d’un Président : Louis Magaud d’Aubusson. En septembre 1912, éclos la première grande action de l’association : la Réserve Naturelle des 7 îles. Cette première réserve ornithologique de France, désormais devenue RNN, n’est pas la seule action de la jeune LPO. Son dynamique Président vise plus haut. Pour lui, il faut défendre l’oiseau, précieux auxiliaire agricole, et non pas un « nuisible » à abattre.
En 1914, il rédige le manifeste fondateur de la LPO : « La protection des oiseaux. Guide pratique« . Mais sa vision protectrice ne se limite pas aux Oiseaux. Il figure parmi les premiers défenseurs du Castor d’Europe. Son décès en 1917 laisse un grand vide. « Il ne concevait le rôle de l’acclimateur qu’en le juxtaposant à celui de protecteur » déclara en 1918 Maurice Loyer, secrétaire général de la Société d’acclimatation.
Louis Magaud d’Aubusson était un visionnaire. La RNN des 7 Îles est désormais un havre de paix pour les oiseaux marins, modèle de gestion d’un espace naturel maritime, et en pleine extension. Il fut également un grand défenseur d’une nature non pas « nuisible » mais auxiliaire de l’Homme. Un précurseur des services écosystémiques à sa manière. Chasseur, biologiste de la conservation, ornithologue, Louis Magaud d’Aubusson défendit avec passion l’Oiseau qu’il aimait tant.
Louis Ternier ou la première mutation de la jeune LPO
Continuons avec le second Président historique de la LPO, Louis Ternier (1861-1943), qui dirigea la toute jeune association, déjà juridiquement indépendante mais encore fortement liée à la Société d’acclimatation entre 1919 et 1921. Après le décès de Louis Magaud d’Aubusson en 1917, la LPO est encore associée comme « organe » de la Société d’acclimatation. Mais elle est déjà autonome par différents aspects de la société-mère.
La LPO dispose de sa trésorerie distincte, une particularité unique dans les sous-sections de la Société, et existe juridiquement comme Association de loi 1901, bien que fondée par une personne morale (la Société d’acclimatation). Le Bulletin de la LPO s’affranchit de celui de la Société. Cette dernière édite un bulletin savant alors que celui de la LPO est avant tout un bulletin de liaison.
Avec la présidence de Louis Ternier, la LPO va progressivement entamer une mutation morale. Ses adhérents étaient à la fin de la première guerre mondiale avant tout des membres de la Société d’acclimatation, des aristocrates, dignitaires, rentiers et hauts fonctionnaires. Progressivement une nouvelle génération sociale rejoint l’association, intéressée non plus uniquement par des questions cynégétiques, mais avant tout par la nécessité de protéger l’avifaune. L’impulsion initiée par d’Aubusson est en marche.
À partir des années 1920, un changement de génération se produit et traduit une évolution des méthodes scientifiques et des sensibilités : l’ornithologue pose son fusil pour observer les oiseaux. Les instruments optiques remplacent peu à peu les prélèvements scientifiques. Nous avions déjà vu sous d’Aubusson la création de la réserve des 7 Îles, dont voici la plaque apposée sur l’Île Rouzic en 1920 :
Durant la présidence de Louis Ternier apparaît le réseau des Refuges LPO, sur l’inspiration des sanctuaires de vie sauvage américains. Le premier refuge émerge en 1921, en forêt de Mormal. En quelques mois, l’association enregistre l’inscription de 75 refuges d’une superficie de +5000 hectares ! Le 4 mai 1929, on célèbre le millième refuge, le réseau atteint les 52453 hectares. Preuve qu’une volonté de protéger l’oiseau et son milieu sont en train de naître dans l’esprit des ornithologues français.
Mais la démarche ne s’arrête pas au refuge de La Cabine. A l’image de la réserve des 7 Îles, la « réserve » de la forêt de Mormal (Nord) est créée dans les années 1920 afin de protéger une forêt en cours de régénération sur les ruines du champ de bataille. « La forêt de Mormal a – ou plutôt avait – une superficie de 9000 hectares en chiffres ronds, dont plus des deux tiers ont été complètement rasés à blanc durant l’occupation allemande. Nous laissons aux forestiers le soin de repeupler l’espace vide. » Adrien Legros, Bull. LPO, 1921.
La Société nationale d’acclimatation assure le financement de l’opération, avec le concours d’un mécénat américain du Permanent Wild Life Protection Fund. Preuve est que si les trésoreries sont séparées, les grandes actions sont encore sous la tutelle de la Société d’acclimatation. La LPO s’engage alors dans son second grand combat écologique : la protection des oiseaux de nos campagnes. C’est le rejet de l’oiseau « nuisible » au profit de l’auxiliaire agricole. Nous sommes déjà dans l’idée de services écosystémiques rendus par la nature.
Un homme convaincu par la protection de la nature
Le parcours de Louis Ternier reflète cette prise de conscience de l’entre deux-guerres. Né à Honfleur en 1861, cet avocat normand n’est pas un scientifique. C’est un chasseur de gibier d’eau assidu, mais dont l’œuvre majeure est avant tout ornithologique. En 1897, il publie « La sauvagine en France », 525 pages sur la biologie des oiseaux des zones humides, agrémentées de 125 gravures. Un ouvrage encore édité dans les années 1990. Désormais tirages à la demande (Hachette livre / BNF).
Louis Ternier est alors reconnu comme expert ornithologique dans les journaux Le Figaro et Le Temps. En 1909 avec Louis Denise et Auguste Ménégaux, il lance la Revue française d’ornithologie et intervient auprès du Ministère de l’agriculture pour la protection des oiseaux. Outré par la destruction du Macareux moine et du Fou de Bassan en France, Louis Ternier craint que le même scénario de disparition du Grand Pingouin ne se reproduise. Il devient en 1912 un membre fondateur de la LPO.
Mais il reste encore fortement lié au monde de la chasse, publiant des « causeries » dans le Chasseur Français jusqu’à son décès. Pour Ternier, la chasse doit perdurer. Cependant il faut fortement modérer ses impacts sur la faune sauvage. S’il reste en somme dans le cheminement classique des ornithologues de son temps, Louis Ternier sent monter des attentes plus militantes, moins favorables à la chasse au sein de la jeune génération.
C’est pour céder le pas à cette génération montante de l’entre-deux guerres qu’il démissionne de ses fonctions, lui et plusieurs « aînés » de la LPO. Ce pari sera gagnant, puisque entre 1920 et 1930, la LPO va s’ouvrir notamment aux femmes et poursuivre son objectif de société protectrice de la nature.
Jean Delacour et l’influence féministe de l’entre-deux-guerres
Abordons désormais le troisième Président historique de la LPO : Jean Delacour (1890-1985). Un personnage fondateur de l’association en 1912, qui fut élu Président en 1921 suite à la démission de Louis Ternier. Jean Delacour possède encore le record de longévité à ce poste, puisqu’il présida l’association durant 55 ans ! Il figure aussi comme le premier scientifique à la tête de l’association.
Né à Villers-Bretonneux dans la Somme en 1890, Jean Delacour soutient son doctorat de Biologie à l’Université de Lille au début de la première guerre mondiale. Mais ce n’est cependant pas vraiment un chasseur, ni un ornithologue de terrain. Tout au contraire, Jean Delacour est un aficionados de l’ornithologie en volière. Enfant, il possède déjà de grandes volières dans le domaine familial. Sa collection d’espèces vivantes atteindrait près de 1300 spécimens !
Sa passion pour l’élevage d’oiseaux exotiques et pour la botanique le poussent à rejoindre la Société d’acclimatation. A 22 ans, ce jeune biologiste participe à la création de la section LPO au sein de la société savante. Après-guerre il emménage au château de Clères, en Normandie. Le domaine familial ayant été ravagé par la guerre. Dans le parc privé du château, il élève pas moins de 500 espèces différentes !
Mais s’il devient Président de la LPO en 1921, il n’abandonne pas pour autant sa passion pour l’acclimatation aviaire. Il réalise de 1922 jusqu’à la seconde guerre mondiale une grande expédition par an. Il explore ainsi l’Indochine, Madagascar, côtoie les zoologistes Archbold et Rand. Les collections qu’il constitue sont immenses : 30 000 oiseaux et 8 000 mammifères répartis à Paris, Londres et New York.
Tout comme ses prédécesseurs, Jean Delacour contribue au savoir ornithologique de son époque. Il publie en 1931 « Les Oiseaux de l’Indochine française ». Delacour demeure un ornithologue collectionneur passionné. Mais lorsque la guerre éclate, et en 1940, il choisit de se réfugier à New York.
Il se fera naturaliser américain (il décède en 1985 à Los Angeles) et entame outre-Atlantique une brillante carrière de naturaliste à l’American Museum of Natural History. Mais il garde encore liens et attaches en France. Son travail de zoologiste américain est également conséquent. Pensez donc, Delacour a même travaillé en collaboration avec Ernst Mayr ! Sa réputation lui vaut de devenir en 1952 directeur du Muséum d’histoire, de science et d’art du comté de Los Angeles. Ses contributions anglophones en ornithologie publiées entre 1945 et 1973 sont des œuvres majeures.
Sous la tutelle d’Antoine Reille et Philippe Milon
Et la France ? La LPO ? Pendant ces années américaines Jean Delacour délègue beaucoup à Antoine Reille et Philippe Milon, futurs Présidents de la LPO. En réalité, passé le cap de 1940, Jean Delacour va surtout influencer par son travail la protection des oiseaux au niveau international. Une orientation militante qui apparaît dès 1921, lorsqu’il conçoit avec Gilbert Pearson, président de l’American Audubon Society, le Conseil International pour la Préservation des Oiseaux (CIPO).
En 1931, les falaises de Mesnil-en-Caux (Seine-Maritime) sont protégées « pour faire cesser le massacre d’oiseaux de mer ». En 1935, date de la première mise en « réserve » du Cap-Fréhel (Côtes d’Armor). Comme à chaque fois, le principe de la réserve des Sept-Îles est reproduit à l’identique. Il s’agit avant tout d’obtenir des Arrêtés préfectoraux interdisant la chasse sur ces zones naturelles. Mais la LPO n’est pas pour autant propriétaire des terrains.
Un compromis engageant encore plus la LPO apparaît cependant en 1930, lorsque le sous-préfet de l’arrondissement de Lannion afferme à la LPO les terrains militaires des Sept-Îles (Ile aux Moines, ancienne place forte Vauban). La réserve ornithologique devient alors privée et se dote d’un budget propre et d’un garde, qui coûtent entre 13 000 et 15 000 francs par an à la LPO. C’est le début d’une longue mutation des Sept-Îles vers le statut actuel de Réserve Naturelle Nationale.
La formule se révèle efficace et les sites protégés par les bons soins de la LPO donnent des résultats de conservation encourageants. Les massacres d’oiseaux marins cessent enfin, leurs populations augmentent. Ces succès de la LPO vont l’engager sur la voie de la création directe de zones protégées en France.
La LPO sort sous la présidence de Jean Delacour du statut de « cercle de salon » de la Société d’acclimatation. Elle cesse d’être une sous-section de la SNPN en 1966. Dès lors que ses statuts sont publiés la même année dans le Journal Officiel, elle devient ainsi un véritable organisme militant de terrain. Cette période concorde alors avec l’avènement de la biologie de la conservation en France. Cette impulsion demeure et inspire aujourd’hui encore bon nombre d’associations de protection de la nature. Sans la singularité de la LPO entre-deux guerres, l’ASPAS qui se targue tant d’indépendance n’aurait jamais eu idée de ses réserves privées. Le Conservatoire du Littoral y a certainement puisé lui aussi une source d’inspiration.
Sur le plan sociétal, la Présidence de Jean Delacour suit son époque et se montre plutôt féministe. En 1923, trois femmes deviennent secrétaires adjointes de la LPO. La plus célèbre figure féminine de l’époque est certainement Alexandrine Feuillée-Billot, qui siégea plus de 40 ans à la direction de la LPO. Ornithologue chevronnée, elle crée un lien exceptionnel entre aviculteurs d’acclimatation, sociétés naturalistes savantes et mouvements de protection des animaux. Ses « causeries agricoles » , diffusées sur les ondes de Radio-Paris entre 1933 et 1939, défendent les oiseaux des milieux agricoles, le nourrissage artificiel, les réserves ornithologiques naissantes …
Sous Jean Delacour, la LPO débute aussi ses combats de terrain contre certaines chasses et captures d’oiseaux. En 1925, l’association remporte son combat contre la capture et l’aveuglement des pinsons. Apparaissent alors dans les discours la notion de protection des oiseaux et la reconnaissance de la souffrance animale. La victoire de 1925 instille aussi tous les codes actuels des discours militants de la cause animale. Appels à la mobilisation, développement d’une morale philosophique autour de la souffrance animale, implication forte des voix féminines.
Mais n’inscrivons pas pour autant trop vite la LPO d’entre-deux guerres dans les mouvements féministes. Les bulletins de l’association portent encore sur la femme un regard traditionnel et paternaliste. L’alimentation, l’habitation, la reproduction et l’élevage sont alors des sujets réservés aux rédactrices. La protection, l’action sur le terrain, le foncier, restent cependant des domaines « masculins ». Si l’association accorde un tout de même un rôle militant et indépendant aux femmes, elle ne se présente pas pour autant comme un collectif ultra-progressiste.
Le Bulletin de la LPO donne aussi la parole aux acteurs « non-savants » de la cause animale. Une démarche similaire à la SPA, qui depuis 1912 relayait auprès de ses membres les actions de la LPO. Mais le combat pour la protection des oiseaux apparaît encore séparée des travaux scientifiques ou naturalistes. Ces derniers semblent encore regroupés au sein de la Société d’acclimatation. Ou lorsque ses membres les réalisent tout simplement indépendamment.
Nous sommes alors dans l’avènement du militantisme de protection de la nature. Il faudra attendre la présidence d’Antoine Reille pour qu’un nouvel essor scientifique anime la LPO.
Les grandes tragédies des marées noires et le retrait de Delacour
Durant les années 1950-60, Jean Delacour l’Américain se met en retrait de la LPO. Cette période marque également le départ définitif de la LPO des locaux de la SNPN. En 1966, le Conseil d’Administration fait publier les statuts d’association de Loi 1901 dans le Journal Officiel. La LPO n’est désormais plus une sous-section de la SNPN. En 1968, elle déménage des locaux de l’ancienne société-mère.
Au cours de ces années d’après-guerre, une série de drames environnementaux majeurs vont venir entacher de leur pétrole les 30 Glorieuses. Elles marqueront sensiblement les esprits : Torrey Canyon, Olympic Bravery, Boehlen, Amoco Cadiz, Tanio. Deux personnages vont alors incarner une LPO environnementaliste. Ils vont se dresser aux côtés des Bretons face à ces soleils noirs. Deux fondateurs de la LPO moderne, mus par la rage et la colère d’un pays tout entier. Le Colonel Philippe Milon et Antoine Reille.
Un officiel colonial devenu défenseur des Oiseaux
Le Colonel Philippe Milon naît à Paris le 21 janvier 1908. Ce fils de bretons exilés à la capitale se destine d’abord à une carrière militaire. Officier colonial en Afrique, il se passionne pour les oiseaux. Après trente ans de service, il devient conservateur du domaine des Sept-Îles. Membre moteur de la désormais indépendante LPO, il assiste Antoine Reille dans l’administration de l’association alors que Jean Delacour demeure aux Etats-Unis. En 1965, un an avant le dépôt des statuts associatifs de la LPO au Journal Officiel, le Colonel Milon lance la revue trimestrielle « L’Homme et l’Oiseau ».
Lutter contre la Loi Verdeille
Lorsque la loi du 10 juillet 1964 dite « loi Verdeille » officialise la création des ACCA (Associations Communales de Chasse Agréées) et AICA (Associations Intercommunales de Chasse Agréées), les propriétaires de refuges LPO se sentent spoliés de leur droit d’interdire la chasse sur leurs terres. La LPO compte alors 752 refuges, pour une surface totale de 22 009 hectares. Si la LPO milita pour la modification de cette Loi pendant des décennies, elle ne lui asséna pas pour autant le coup de grâce. Ce succès revient à l’ASPAS, qui au terme de 12 ans de procédure, obtint le 29 avril 1999 la condamnation de la France devant la Cour Européenne des droits de l’Homme.
Le drame écologique de Torrey Canyon
Lorsque la nappe de mazout atteint l’île Rouzic le mardi 11 avril 1967, le Colonel Milon est en première ligne face à la tragédie. La presse l’interviewe et le présente comme Président de la LPO. Une erreur bien involontaire mais qui témoigne du flou quant à l’administration de la Ligue en cette période. La situation est catastrophique. Une clinique provisoire est installée à la mairie de Perros-Guirec pour donner les premiers soins aux oiseaux que les marins et les enfants ramassent. Le « père » Le Dret, retraité de la marine et gardien de l’IIe Rouzic depuis trente ans, fond en larmes devant les journalistes qui l’assaillent de questions.
La LPO est en première ligne pour organiser le sauvetage des oiseaux mazoutés. Le Colonel Milon multiplie les appels pour la sauvegarde des oiseaux marins. Sur place, la situation est catastrophique. Les oiseaux recueillis sont nettoyés à l’huile végétale, séchés, nourris et réchauffés. Les moyens vétérinaires demeurent très spartiates, mais démontrent une action forte de l’association dans le département des Côtes du Nord. Deux hopitaux pour oiseaux mazoutés s’organisent à Perros-Guirec. La SEPNB (Bretagne Vivante) met en place une structure identique à Brest lorsque la nappe touche le Finistère. Non seulement la LPO œuvre dans l’urgence, mais elle contribue également à étudier les effets toxicologiques de la contamination aux hydrocarbures chez les oiseaux marins.
La démission de Jean Delacour
La séparation avec la SNPN s’achève en 1968, lorsque la LPO quitte les locaux de la Société Nationale de Protection de la Nature pour s’installer au Muséum (57 rue Cuvier, Paris). Antoine Reille, qui est entré dans le conseil d’administration dès 1965, fusionne également les différentes revues de l’association sous une même entité.
A la démission de Jean Delacour, déjà fort en retrait de la LPO, le bureau est remanié en 1976. Le Colonel Milon devient Président (1976 – 1978), Antoine Reille est Vice-Président (avec Frank Duncombe et Laurent Yeatman). C’est durant cette présidence que la LPO déménage définitivement à Rochefort. La même année, la FNE dont la LPO est co-fondatrice et membre, est reconnue d’utilité publique. L’arrivée de la LPO à Rochefort marque aussi un net rapprochement avec le Conservatoire du Littoral, qui y a également installé son siège. La LPO est d’ailleurs présente au sein de son Conseil d’Administration.
Antoine Reille, le président-veneur
En 1978, le Colonel Milon cède sa place à son compère Antoine Reille. Ce Normalien agrégé de physique puis maître-assistant à la Faculté des Sciences de Paris, se destine plutôt à la réalisation de documentaires animaliers. Il contribua d’ailleurs à la mythique émission télévisée « Les Animaux du Monde » ! Sous sa présidence, la LPO crée deux centres de sauvegarde de la faune sauvage. D’abord en Alsace, à Rosenwiller, qui ouvre en 1982. Puis en Bretagne, lorsque le mythique Centre de sauvegarde de l’Île Grande ouvre en 1984. Installée sur un ancien site carrier de granit, elle fait également office de Maison de la Réserve naturelle nationale des Sept-Îles auprès du grand public.
Antoine Reille est toujours Président d’Honneur de la LPO, alors que depuis 1986 le fauteuil de Président est occupé par Allain Bougrain-Dubourg. Cet ancien maire de Mouzilly (2008-2014) est également Président du syndicat des forestiers privés de Touraine. Grand pédagogue naturaliste, fervent défenseur de la protection de la nature, Antoine Reille incarne aussi l’ancienne ambivalence des origines de la LPO. C’est un veneur et défenseur de la chasse à courre, convaincu que « la chasse est une activité indispensable au bon équilibre des milieux boisés et à la préservation des paysages » (La Nouvelle République, 25/10/2016). Son soutien au Président de la FDC d’Indre-et-Loire plutôt qu’à la LPO Touraine en 2016 a pu faire jaser.