Le plomb est un élément chimique appartenant à la famille chimique des métaux pauvres. Facile à travailler, son usage artisanal remonte au moins à l’Âge du Bronze. Métal toxique, mutagène, et reprotoxique, il est notamment responsable du saturnisme. Bien que reconnu comme potentiellement toxique dès l’Antiquité, il était consommé par l’aristocratie romaine sous forme d’acétate de plomb pour conserver et sucrer le vin. Les symptômes de démence mentale dont souffrait la classe dirigeante provenaient peut-être de cette consommation excessive.
Utilisé pour sceller les conserves au XIXème siècle, il aurait peut-être contaminé l’équipage de l’Expédition Franklin et ainsi précipité le tragique destin des équipages. Enfin, dès la fin du XIXème siècle, la littérature médicale étudie plus en détails les cas d’empoisonnement au plomb. Les recommandations du corps médical et nouvelles réglementations limitèrent sensiblement son usage. Désormais banni notamment des canalisations d’eau et des peintures, le plomb fait l’objet de contrôles industriels drastiques.
Les causes indirectes de la baisse des émissions de plomb
Alors que le plomb était encore durant la seconde moitié du XXème siècle un métal lourd massivement émis dans l’atmosphère, les teneurs ont depuis fortement baissé. En France entre 1990 et 1999, le transport routier était le secteur prédominant dans ces émissions. Les constructeurs doivent appliquer dès 1993 la nouvelle réglementation des pots catalytiques. Puis, le 2 janvier 2000, l’interdiction de l’essence plombée entre en vigueur. Cette transition entraîne alors une chute brutale des émissions liées au transport routier. De 4000 tonnes en 1990, elle chute en France à 800 tonnes pour l’année 1998.
Le plomb, ajouté comme additif dans l’essence depuis 1920, servait à lubrifier les soupapes des moteurs à essence. Cet additif contribuait ainsi à améliorer le fameux « indice d’octane » (cela ne concerne pas les moteurs diesel). Dès 1975, les USA interdisent le plomb comme additif à l’essence. En effet, les rejets de NOx et COV issus de la combustion moteur polluaient de plus en plus l’atmosphère des grandes villes américaines. La solution préconisée passe alors par l’instauration du pot catalytique. Mais cette évolution automobile nécessite l’abandon de l’additif plombé dans l’essence. En effet, ce métal « ’empoisonne » en quelques années le pot catalytique. Ainsi considère-t-on l’abandon du plomb est une conséquence indirecte de l’invention du pot catalytique. Quelques années plus tard et toujours pour lutter contre la pollution, les américains introduiront l’additif MTBE, finalement interdit par la suite.
Situation et réglementation française au tournant des années 90
Cependant, la situation est quelque peu différente en Europe. Après l’abandon des essences plombées aux USA, l’Europe devient dans les années 80 le premier émetteur de plomb atmosphérique. Le remplacement des essences plombées vise alors un double objectif. Introduire les pots catalytiques pour réduire la pollution aux NOx et COV, mais également contrôler la part d’émissions de plomb dans l’atmosphère. Cette nouvelle réglementation ne s’impose pas sans difficultés. Les constructeurs automobiles menacent même de chantage à l’emploi1 !
Malgré cela, la commercialisation de l’essence sans plomb démarre en 1990 pour la France. La substitution totale, décrétée par l’Arrêté du 23 décembre 1999, entre en vigueur en Métropole le 2 janvier 2000. Une dérogation existe cependant pour les DOM. Aujourd’hui, la transition est achevée et tous les moteurs essence récents sont compatibles avec des essences sans plomb. Pendant un temps, les stations services proposaient pour les moteurs anciens une essence sans plomb, mais « additivée » par du potassium (supercarburant sans plomb).
La France bon élève des émissions de plomb
Les émissions atmosphériques de plomb en France sont reliées à quatre grands secteurs :
- Les transports
- L’industrie manufacturière et notamment la métallurgie des métaux non-ferreux, fours verriers …
- Le secteur résidentiel / tertiaire
- La combustion de combustibles minéraux solides.
Le Protocole d’Aarhus sur les métaux lourds (1998) impose à la France de ne pas dépasser le niveau d’émission de plomb atteint en 1990, soit 4294 tonnes par an. Cet objectif est atteint dès 1991 et les émissions de plomb ont baissé d’un facteur 40 en trente ans.
Il n’en demeure pas moins que le secteur des transports continue d’émettre du plomb, encore présent dans certaines pièces mécaniques (usure des freins, pneumatiques) ou dans l’huile de moteur.
Quant à l’industrie manufacturière en France métropolitaine, la baisse d’émission dans ce secteur est liée à trois facteurs. Premièrement, la mise en place de systèmes filtreurs de particules performants dans de nombreuses installations industrielles. Deuxièmement, la production minière de métaux ferreux de meilleure qualité (2014-2015) contribue a une baisse constatée des émissions du secteur manufacturier ferreur. Troisièmement, les fermetures régulières, les délocalisations et la crise financière de 2008 ont abaissé les émissions industrielles, mais déplaçant de facto ces rejets hors de France…
Les émissions dans le secteur tertiaire et résidentiel sont à relier aux émissions du secteur énergétique, à savoir l’utilisation de combustibles « sales » ou contaminés au plomb (charbon, bois…). Les particuliers n’utilisent plus de poêles à charbon, progressivement retirées à la fin du siècle dernier, et les équipements à bois ou pellets affichent désormais de meilleures performances. Quant au secteur énergétique, deux explications s’imposent. D’abord la fermeture de centrales thermiques au charbon. De plus, les Arrêtés du 25 janvier 1991 et du 20 septembre 2002 encadrent la mise en conformité des usines d’incinération de déchets non dangereux (UIDND) couplées à des convecteurs thermiques. Ces évolution ont réduit en conséquence les émissions de plomb.
1 Le Monde, 23 mars 1985 « Les constructeurs automobiles français contre l’essence sans plomb »