Suivi STOC et déclin des Oiseaux en France métropolitaine

Les résultats du programme de Suivi Temporel des Oiseaux Communs sont disponibles sur le site web de la LPO. On lit beaucoup de choses sur ces données. Pourtant, elles sont bien révélatrices d’une situation préoccupante. Cet article revient sur ces chiffres et vous explique pourquoi il est grand temps de s’en alarmer.

STOC

Présentation du programme STOC

Le programme STOC, en quelques mots. Il s’agit d’un suivi temporel des abondances relatives d’oiseaux. C’est à dire que des observateurs, pour la plupart des ornithologues bénévoles mais chevronnés, effectuent des points d’écoute de 5 minutes dans leurs carrés de territoire désignés.

Ils effectuent trois passages par an, entre avril et juin, puis notent aussi bien les distances d’écoute ou d’observation que si l’oiseau est chanteur, nicheur, ou encore en transit. Toutes ces données sont coordonnées à l’échelle locale et régionale par les associations et acteurs locaux. Puis à l’échelle nationale par la LPO et le MNHN. Ces données constituent des abondances relatives, c’est-à-dire qu’il s’agit à chaque fois d’un dénombrement de tous les oiseaux observés en un point précis dans un temps limité. Le STOC n’est donc pas un indicateur de richesse spécifique absolu (nombre d’espèces présentes).

Analyse statistique et écologie des communautés d’espèces aviaires

Vigie-Plume ou les sites Faune permettent de collecter les données terrain. Celles-ci passent ensuite dans les rouages des outils statistiques. Avis aux amateurs de traitement de données biostatistiques, Rstat est Maître au Royaume du STOC ! D’ailleurs, si la richesse spécifique n’est pas le critère retenu, la répartition des abondances d’oiseaux en indicateurs de spécialisation compte tout de même : espèces spécialistes des milieux agricoles, des milieux forestiers, des milieux bâtis et espèces généralistes.

Le degré de spécialisation d’une espèce aviaire est calculé à partir de la répartition de ses effectifs dans les trois grands types d’habitat suivis (urbain, agricole, forestier), en proportion de leur disponibilité. C’est pourquoi, si une espèce est plus abondante dans un habitat que ce que prédirait une répartition homogène, elle est désignée spécialiste de cet habitat. Si une espèce est proportionnellement répartie entre les habitats il s’agit d’une espèce généraliste.

Les résultats du programme STOC

Que disent les résultats STOC ? D’abord, que les abondances sont hétérogènes d’une espèce à l’autre, certes, mais une tendance s’en dégage.

  • Les abondances relatives d’espèces spécialisées régressent, au profit des espèces généralistes.
  • La chute la plus importante concerne les oiseaux spécialistes des milieux agricoles (-29,5%). Cela n’est pas nouveau, on retrouve au banc des accusés les enrobés de #néonicotinoïdes (granivores décimés), fin des jachères imposées par la PAC, reprise des amendements de nitrates.
  • Les oiseaux spécialistes du milieu urbain subissent un déclin similaire (-27,6%). Disparition de friches urbaines paradoxalement accueillantes, ravalements de façades anti-hirondelles, pollution, « nettoyages verts » des parcs et jardins …
  • Les spécialistes forestiers sont assez stables, après être descendus à un niveau extrêmement bas (-9,7 %). Ce résultat peut être mis en relation avec l’augmentation du couvert boisé sur l’ensemble du territoire.
  • Pour les généralistes, la situation est très contrastée. Par exemple le déclin des Mésanges spécialistes s’accentue, à l’inverse des Mésanges charbonnières et bleues qui sont des espèces généralistes. Autre exemple, l’autrefois si commun l’Accenteur mouchet n’a de cesse de régresser (généraliste, -30%).
Un indicateur de crise de la biodiversité

L’homogénéité des cortèges d’oiseaux est préoccupante, cela signifie que progressivement la diversité de l’avifaune s’appauvrit. Et à la longue, la richesse spécifique risque de s’effondrer. Mais une autre tendance pointe déjà le bout de son nez. Les généralistes ralentissent leur hausse d’abondance relative entamée sur les 30 dernières années. Cela signifie que si ces tendances persistent, ils ne remplaceront plus les oiseaux de milieux agricoles ou urbains. Il n’y aura tout simplement plus d’oiseaux dans ces milieux !

Nous semblons donc nous diriger vers un déficit net pour les abondances d’oiseaux dans ces habitats. Mais faut-il craindre moins de diversité, donc plus d’homogénéité, et une chute des effectifs eux-mêmes ? Le programme #STOC souligne clairement que nous traversons une crise écologique. On pointe souvent certaines chasses d’espèces menacées ou encore les chasses traditionnelles, mais méfions-nous des effets d’annonce, car les causes de ce déclin sont bien plus nombreuses que cela.

Quels sont les responsables ?

Le combat contre les chasses traditionnelles est cependant tout aussi important que symbolique. Il ne doit pas pour autant détourner nos efforts des actions nécessaires face aux constats écosystémiques globaux et complexes. Reprenons le cas des oiseaux agricoles.

Des espèces chassables comme les Perdrix ou les Alouettes des champs sont en régression en raison de la dégradation de leurs habitats. Le problème mis à jour par le STOC dépasse donc la critique cynégétique. Mais tout n’as pas si simple pour autant. Le Faisan de Colchide, par exemple, est en augmentation. Or sa dynamique interroge face aux résultats du STOC ; est-ce à contrario une espèce dont le facteur cynégétique prédomine l’abondance ?

Notons aussi le cas conflictuel des #Corvidés en milieu agricole : Choucas des tours et Corneilles sont en augmentation, mais le Corbeau freux est en régression. Doit-on dans adapter la liste des ESOD en fonction de ces résultats, afin d’en sortir le Corbeau freux ? Nous nous retrouvons ainsi face à un dilemme entre dégâts agricoles et nécessité de conservation des espèces.

Au final, le tableau des espèces spécifiques aux milieux agricoles montre elle aussi une hétérogénéité forte, qui pose de sérieuses questions concrètes sur le terrain aux protecteurs de la nature, les chasseurs et les agriculteurs.

Le blues des hirondelles

De même pour les oiseaux migrateurs de passage ou nichant en France, la dégradation des habitats représente une menace sérieuse dans leurs périples. Le cas des colonies d’hirondelles en régression sur tout le territoire, met en avant un des plus grands paradoxes de notre société.

Nous voulons toujours plus de contact avec la nature, de bien-être animal, mais nous ne supportons pas le tas de fientes de la colonie d’hirondelles. C’est sale alors pour le prochain ravalement de façade, on finit avec une peinture antiadhésive. On bouche le trou des martinets. Et pendant ce temps-là, ces espèces insectivores reculent, diminuant encore plus la qualité de notre environnement. Car en formant une ligne de destruction des moustiques, les hirondelles et martinets contribuent à notre protection sanitaire.

Une situation alarmante

En conclusion, le programme STOC tire une sonnette d’alarme supplémentaire dans cette crise actuelle de la biodiversité. Le problème est global, ce n’est pas qu’une tocade d’ornithologues. Et préoccupant. Car sans l’oiseau, quel sort s’annoncera pour l’homme ?

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