Face au développement des nouvelles technologies, les ressources naturelles en terres rares sont devenues stratégiques au niveau mondial. Mais qu’est-ce qu’une terre rare ? Car derrière cette expression trompeuse, il ne s’agit pas de désigner des sols mais de métaux particuliers. Dans cet article de la rubrique Géodiversité, je vous propose de faire le point sur ces fameuses ressources minières.
Qu’est-ce qu’une terre rare ?
On regroupe par le nom de terres rares 17 métaux, cités ici à partir des symboles atomiques suivants : 15 Lanthanes (La, Ce, Pr, Nd, Pm, Sm, Eu, Gd, Tb, Dy, Ho, Er, Tm, Yb, Lu) et deux métaux de transition (Sc, Y). Eliminons donc d’office une « fake news » souvent véhiculée, non le lithium n’est pas compris dans ces fameuses terres rares ! Et non, son usage n’est pas systématique. On y reviendra.
D’ailleurs, d’où vient le nom de terres rares ? Du fait qu’on les a découverts à partir de la fin du XVIIIème siècle dans des minerais peu courants, répartis inégalement à la surface de la croûte terrestre, et surtout sans exploitations commerciales particulières pour l’époque. On les appelait « terres », et à l’époque en français, notre langue étant usitée dans les échanges internationaux. Car ces minéraux contiennent de l’oxygène mais sont réfractaires au feu. Donc « terres rares » signifiait autrefois pour les géologues de l’époque « minerais rares » !
Deux exemples de minéraux appartenant aux terres rares : la bastnäsite pour les métaux de transition, et la monazite pour les lanthanides (Ce, La, Nd, Pr). D’autres minéraux peuvent également retenir ces métaux rares, comme par exemple les argiles (adsorption ionique).
Exploitation minière et technologique des terres rares
De nos jours, cette répartition ne pose plus aucun problème à l’heure de la mondialisation et les technologies sont suffisamment développées pour consommer ces matières premières. Les terres rares sont abondantes sur Terre, mais les gisements économiquement exploitables le sont beaucoup moins. En 2017, la Chine réalisait ainsi 86% de la production mondiale de terres rares ! Quelques exemples industriels : Alliages légers en aéronautique, supraconducteurs, céramiques conductrices, lasers, batteries, aimants permanents, condensateurs, radiographie, traitement du cancer…
L’usage majeur des terres rares concerne les aimants permanents (31% de la consommation industrielle) qui permettent d’optimiser la production énergétique avec des éléments miniaturisés. Ils sont notamment très utilisés pour les éoliennes. Nos smartphones aussi utilisent ces terres rares : polissage des écrans, affichage des couleurs (Tb, Y, Eu), pour ne citer que ces exemples.
Dépendance aux terres rares : l’exemple chinois
En 2018, la Chine pesait 70 % de la production mondiale (120 000 tonnes). En comparaison, l’Australie avait produit 20 000 t (12 %) et les États-Unis 15 000 t (9 %). L’hégémonie de la Chine atteint au total 90% de la production mondiale : 70% de production nationale + 20% liée à consortium du groupe chinois Shenghe. Ce quasi-contrôle de la production mondiale n’est pas sans conséquences géopolitiques !
En mai 2019, en pleine escalade du conflit commercial sino-américain, la Chine menace de couper l’approvisionnement des États-Unis en terres rares. Pourquoi ce levier diplomatique est soudain activé ? Parce que les métaux rares sont devenues une ressource cruciale pour de nombreuses industries : aimants d’éoliennes, téléviseurs, batteries pour téléphones mobiles et véhicules électriques, ampoules à basse consommation, pots catalytiques …
Impact environnemental
Si la production de métaux rares est devenue un enjeu industriel majeur, son impact sur l’environnement l’est tout autant. Pour extraire et raffiner ces terres rares, il faut consommer beaucoup d’eau acidifiée à adjuvants chimiques. Conséquences, les eaux rejetées sont saturées de métaux lourds et d’acide sulfurique : le rapport de masse sulfate d’ammonium consommé / oxydes métalliques produits grimpe à 8/1 lors des procédés industriels !
Les eaux rejetées sont accumulées dans des bassins artificiels, mais peuvent se retrouver rejetées dans l’environnement. C’est l’exemple de la contamination du fleuve Huáng hé à Baotou : effluents toxiques, hausses de la radioactivité mesurée… Une hausse de la radioactivité ? Oui, car les métaux lourds rejetés par l’exploitation de ces métaux lourds peuvent être des isotopes radioactifs. Soit des seuils dépassés 32 fois dans certains villages fluviaux en aval de Baotou.
Métaux lourds, effluents toxiques, radioactivité, les impacts sur la biodiversité, l’agriculture et la santé sont catastrophiques. Et encore assez mal évaluées !
Quelles solution éco-compatibles pour les terres rares ?
La hausse du marché de l’automobile électrique, mais aussi l’essor des éoliennes en énergie renouvelable, sont deux exemples ayant renforcé l’intérêt pour la production de métaux rares. Face au faible nombre de gisements économiquement exploitables, le recyclage de ces métaux à partir de déchets technologiques se pose en solution alternative. La Chine et divers pays abordent désormais le recyclage des appareils électroniques. Mais encore faut-il que la filière de recyclage produise des terres rares rentables par rapport à la production primaire. Or la loi du marché est souvent aussi intraitable que défavorable.
La technologie permet aussi d’en limiter l’usage. Les voitures électriques Tesla ou Renault utilisent des accumulateurs Li-ion et des alternatives aux aimants permanents. D’autres constructeurs restent fidèles aux terres rares. Demeure le paradoxe de la filière éolienne : cette énergie « renouvelable » consommatrice de métaux rares (aimants permanents) et productrice de nombreux déchets non-recyclables (ou économiquement peu rentables) !