L’explosion des populations de Sangliers impacte aussi les écosystèmes et leur biodiversité. Mais lorsqu’il est présent dans ses habitats naturels avec des effectifs supportables pour les milieux, notre cher Sanglier peut endosser le rôle d’espèce ingénieure de son habitat !
Un rôle écosystémique ambivalent
On appelle espèce ingénieure toute espèce qui entretient des relations positives avec son écosystème, au point de modifier fortement et significativement son biotope en faveur d’autres organismes vivants. Par exemple, le Castor du Canada ou les Coraux coloniaux des récifs coralliens.
Le sanglier joue lui aussi le rôle d’espèce ingénieure dès lors que ses effectifs ne prolifèrent pas. Sinon ses populations risquent de dégrader les écosystèmes habités (Genov et al., 2917). Son rôle écologique apparaît ambivalent dans la biblio scientifique. Car si ses célèbres boutis et vermillis en font la bête noire des agriculteurs, certains écologues reconnaissent que son action de terrassier de la litière forestière peut amener à régénérer la couverture herbacée et créer de nouveaux micro-habitats diversifiés.
A tel point que certains gestionnaires partisans du rewilding s’intéressent à son rôle d’espèce ingénieure dans la restauration des milieux ! Un paradoxe lorsque l’on sait qu’en contrepartie, le sanglier peut lourdement impacter la faune locale (Sandom et al., 2021). Car le sanglier est pointé du doigt, par exemple, pour ses dégâts sur les oiseaux nicheurs au sol, dès lors que son comportement omnivore le pousse à les prédater. Une situation bien connue lors des suivis de Galliformes menacés (Mori et al., 2021). De même, prenons un exemple herpétologique de dégâts causés par les sangliers. Vous l’ignorez peut-être, mais le sanglier a un impact négatif sur les populations de Vipères péliades (Filippi & Luiselli, 2002). Au point que cette menace du sanglier sur les populations de serpents – et notamment les vipères – inquiète pour leur conservation. Graitson et al. (2018) appellent ainsi à intensifier la pression de régulation pour soulager les populations ophidiennes !
Le Sanglier et les Papillons
Mais alors, quels organismes vivants peuvent bien trouver avantage du Sanglier lorsque ce dernier crée, grâce à son boutoir audacieux, de nouveaux micro-habitats en milieux forestiers ? Il nous faut prendre l’exemple inattendu de papillons. L’Hespérie de la mauve (Pyrgus malvae) est un papillon de la famille au combien délicate à identifier des Hesperiidae. Aux Pays-Bas, ce papillon est menacé. Et contre toute attente, Schaetzen et al. (2018) ont démontré comment le Sanglier vole à son secours.
Grâce à leurs boutis et vermillis, les Sangliers réduiraient l’emprise des espèces herbacées au sol et restaureraient des micro-habitats pionniers. Une action vitale pour de nombreux insectes de notre biodiversité européenne. Or selon ces chercheurs, le Sanglier joue un rôle important dans la réduction de la couverture herbacée, augmentant ainsi des conditions microclimatiques plus chaudes et favorisant les plantes-hôtes de l’Hespérie de la mauve !
Plus récemment, le superbe Zerynthia cassandra (complexe récemment revisité des papillons de la Diane – nous n’entrerons pas dans les détails taxonomiques ici) endémique en Méditerranée a montré aussi un lien positif avec les sangliers. Labadessa & Ancillotto (2023) ont testé l’hypothèse d’une relation positive entre les Sangliers et ce papillon, basée sur la capacité des Suidés à ouvrir des micro-habitats favorables. Non seulement les strates herbacées retournées par les Sangliers ont une meilleure occurrence en plantes nourricières pour ce papillon, mais elles augmentent aussi l’abondance des plantes-hôtes nécessaires pour leur stade larvaire.
Conclusion
Nous avons là un récit digne de la mythologie ! Le Sanglier de Calydon se fait protecteur dévoué du Papillon de Diane. Que dis-je, du papillon d’Artémis ! Complexes relations entre le sanglier et les écosystèmes. Le Sanglier est une espèce invasive impactant les réseaux trophiques et la conservation d’espèces menacées par sa prédation. Mais il peut aussi jouer le rôle d’espèce ingénieure favorable à l’entomofaune et sa flore. Une preuve de plus, s’il en faut, que le sanglier demeure un maillon complexe des écosystèmes. Rien n’est simple en matière d’écologie, même pour notre fameux Suidé.