Ces images vidéo d’une famille de blaireaux par piège photographique proviennent d’une blaireautière auvergnate. Ce domaine assez vaste compte une dizaine de gueules de terriers. Gardons la localisation du site secrète, bien entendu ! Règles de confinement respectées.
Le Blaireau européen (Meles meles) a mauvaise réputation en France, où son statut est chassable. Une quasi-exception française face à nos voisins qui le classent en espèce protégée, comme en Belgique, en Espagne, en Italie ou encore au Royaume-Uni. Bien que protégé par la Convention de Berne, les textes français prévoient des dérogations supplémentaires pour sa destruction. En effet, il ne figure pas sur l’Arrêté du 3 juillet 2019 fixant la liste des espèces d’animaux classées susceptibles d’occasionner des dégâts pour chaque département. Mais selon l’article R 427-6 du code de l’environnement, les préfets peuvent ordonner, après consultation, la mise en place de battues administratives dès lors qu’elles s’avèrent nécessaires. Sous l’autorité d’un lieutenant de louveterie (art. L 427-1 et R 427-1), ils sont détruits par piégeage, déterrage ou tir de nuit.
La période de vénerie sous terre du blaireau s’étend du 15 septembre au 15 janvier. Cependant, selon l’article R 424-5 du Code de l’Environnement, les préfets peuvent étendre cette période à partir du 15 mai jusqu’à l’ouverture de la chasse. De nombreuses associations contestent ces arrêtés préfectoraux qui interviennent alors que les jeunes blaireautins sont encore dépendants. Or l’article L 424-10 interdit de détruire les portées ou petits de tous mammifères dont la chasse est autorisée. Les prolongations de vénerie sous terre du blaireau apparaissent donc en contradiction avec la Loi.
Une destruction dispensable
Le blaireau peut être chassé par vénerie sous terre. Une pratique qui peut choquer le grand public, et régulièrement dénoncée par de nombreuses associations. Mais pourquoi cet acharnement contre ce Mustélidé ? Parce que le monde agricole pointe du doigt le Blaireau européen comme un destructeur de récoltes et un propagateur de maladies du bétail. Dans le premier cas, il s’agit notamment de dégâts faits aux cultures de maïs. Pourtant, des mesures de cohabitation non-destructrices existent. Elles visent par exemple à bloquer des gueules de terrier pour forcer le déplacement des individus vers des secteurs ne dérangeant pas les activités agricoles. Mais aussi d’installer des clôtures électrifiées. Ou encore de pulvériser des hydrocarbures à effets olfactifs répulsifs au niveau des gueules de terrier concernées.
Dans l’Est de la France, la profession agricole l’accuse de transmettre la tuberculose bovine (encore que le taux de contamination du blaireau ne soit que de 8,4 %). C’est pourquoi la lutte contre la propagation de la tuberculose bovine dans les campagnes inclut la régulation des populations de blaireau. Ainsi entre 2009 et 2013, la tuberculose bovine a servi de prétexte à la destruction de 15.000 blaireaux en Côte d’Or. Mais sa destruction systématique, sans envisager de mesures alternatives en premier lieu, se révèle le plus souvent injustifiée.
En effet, dans le sud-est du Royaume-Uni, le taux de contamination atteignait 10 à 20 %. Les autorités décidèrent de campagnes d’abattage. Le résultat fut négatif, favorisant au final la dispersion de la maladie ! Hélas malgré des avis scientifiques défavorables, le Royaume-Uni autorise encore les abattages sanitaires de blaireaux. Avec par conséquent un succès très aléatoire. Seule la vaccination des blaireaux représente une alternative non-létale qui mettra enfin un terme à l’élimination systématique.
Une espèce sous pression
Le Blaireau d’Europe a failli disparaître dans plusieurs départements au tournant des années 80, en raison des gazages de terriers. L’interdiction du gazage en 1982, puis de la vente de l’agent gazant chloropicrine en 1991 ont sauvé de peu les blaireaux. Ses dynamiques de population, modérées par une forte mortalité des jeunes, ont toutefois conduit à une lente remontée des effectifs. Aussi sa prétendue « surpopulation » avancée par la Coordination Rurale est un leurre. Elle ne s’explique que par l’augmentation des habitats forestiers favorables (+25% en 20 ans). Si chaque terrier familial induit un risque de nuisance variable sur le plan agricole, il serait toutefois dangereux de répondre systématiquement par la destruction de l’espèce.
Nous ne pouvons pas nier les dégâts agricoles du Blaireau sur certaines parcelles. Mais nous ne pouvons pas ignorer pour autant le rôle important de ce mustélidé dans les écosystèmes forestiers et bocagers. Mais la remédiation par l’ingénierie écologique ne suffit pas toujours. La pression de chasse se doit d’être suffisamment équilibrée, sous peine de déclin de l’espèce en France. Des prélèvements importants sur la population adulte ne peuvent qu’induire assez rapidement une diminution des effectifs. De même, la pratique de la vénerie souterraine pose immanquablement problème en terme de gestion de l’espèce. Le blaireau mérite certainement un meilleur sort. Reste à savoir si l’inévitable coût financier d’une gestion plus respectueuse du bien-être animal sera tout autant acceptée par le contribuable que nos politiques.