Les chauve-souris sont en déclin, et la situation ne va pas en s’améliorant. Tel est l’inquiétant constant dressé par l’équipe de recherche Vigie-Chiro du Muséum National d’Histoire Naturelle. En effet, le territoire français accueille 34 espèces différentes de Chiroptères. Si certaines sont communes en Métropole, comme la Pipistrelle commune (Pipistrellus pipistrellus) ou la Sérotine commune (Eptesicus serotinus), d’autres son rares et localisées, comme le Murin de Capaccini (Myotis capaccinii).
Le programme Vigie-Chiro se propose de mieux comprendre les distributions de nombreuses espèces encore lacunaires dans nos régions. Ces connaissances sont indispensables afin de caractériser l’état de conservation de ces espèces fragiles. Certaines espèces font déjà l’objet de dénombrements réguliers en hiver, dans leurs gîtes. Cette méthode permet de suivre des espèces rares comme la Pipistrelle pygmée (Pipistrellus pygmaeus).
Mais pour les espèces communes, le suivi estival permet de palier à la dispersion sur un trop grand nombre de gîtes, aussi bien naturels qu’anthropisés. L’observation de ces Chiroptères lors de leurs activités de chasse apparaît ainsi comme un support d’étude complémentaire au programme Vigie-Nature.
Une tendance au déclin
Grâce aux nombreux enregistrements collectés entre 2006 et 2019 sur 173 circuits routiers, 110 circuits pédestres et 339 points fixes, Vigie-Chiro permet un calcul des tendances des population françaises. Au total, 412 naturalises bénévoles ont participé à ce suivi. Les modèles de traitement de ces données tiennent compte des aléas météorologiques (température et vent) et du matériel utilisé. Sur les 6 espèces communes suffisamment renseignées pour afficher des tendances temporelles, quatre sont en déclin. Il s’agit de la Pipistrelle commune (Pipistrellus pipistrellus) (-9%), de la Sérotine commune (Eptesicus serotinus) (-30 %), de la Pipistrelle de Nathusius (Pipistrellus nathusii) (-46 %) et de la Noctule commune (Nyctalus noctula) (-88 %). La Noctule de Leisler (Nyctalus leisleri) et la Pipistrelle de Kuhl (Pipistrellus kuhlii) sont considérées comme stables malgré un léger recul.
Les causes du déclin des chauve-souris sont multiples. Les Chiroptères étant insectivores, l’effondrement actuel de la biomasse en insectes les impacte directement. La destruction des habitats, la pollution lumineuse et les collisions routières sont tout aussi problématiques. Mais aussi, les collisions avec les pales d’éoliennes impactent les espèces migratrices comme la Noctule commune et la Pipistrelle de Nathusius. Un constat corroboré par les données de suivi mortalité éolienne. Enfin, le changement climatique risque de modifier la répartition de certaines espèces.
Un indicateur de suivi des espèces
Le programme Vigie-Chiro est un indicateur écologique indispensable pour la compréhension à grande échelle de la répartition spatiale et temporelle des chauve-souris. Si ces tendances ne font pas l’objet de publications scientifiques dédiées, elles permettent d’évaluer l’état de conservation des espèces. Ainsi il contribue à la mise à jour de liste rouge des mammifères d’Europe de l’UICN. Enfin, le programme Vigie-Chiro sert d’indicateur guide pour l’exécutif, puisqu’il est intégré dans le Plan National D’Action en faveur des chauve-souris piloté par le Ministère de l’Ecologie.