La pollution lumineuse menace la biodiversité

La pollution lumineuse est une problématique environnementale qui fait écho à un constat récent. Depuis les années 80, la proportion de ciel nocturne observable en milieu urbain et périurbain est en diminution. Les éclairages publics et privés émettent une source de lumière parasite plus intense que la lumière reçue des objets astronomiques. Ceci va alors occulter objets de faible luminosité. Par conséquent, seuls les astres les plus brillants sont visibles dans le ciel noir d’encre. Constat alarmant, près de 80% de la population française ne verrait plus ou que très peu d’étoiles même par nuit dégagée !

Pollution lumineuse en France (sources : Alain Brenac)

Une pollution astronomique

En théorie, un ciel nocturne clair permet d’observer près de 3000 étoiles différentes. Ce chiffre s’effondre rapidement à mesure que l’on se rapproche d’une zone d’activité humaine. Encore plus préoccupant pour les astronomes, les grandes agglomérations créent un rayonnement parasite même à grande distance. Les lumières de Perpignan, Andorre, Barcelone, ou encore Saragosse perturbent ainsi l’observatoire du Pic du Midi. Il s’agit pourtant de villes situées entre 120 et 240 km de l’observatoire !

Plus récemment, les astronomes se sont également inquiétés du déploiement de la constellation de satellites Starlink. Le projet de l’entreprise SpaceX vise le déploiement de 12.000 satellites de communication Internet. Or les 60 premières unités provoquent déjà de spectaculaires nuisances lumineuses ! L’intensité de ces satellites artificiels une fois leur orbite finale atteinte n’est pas encore connue. Mais la société d’Elon Musk tente de corriger le tir en équipant de pare-soleils . Ce qui n’a pas dissuadé  un groupe d’astronomes de porter plainte contre Starlink devant la Cour de Justice internationale pour « atteinte au patrimoine mondial » .

Une nuisance pour la biodiversité

La biodiversité souffre également de ces perturbations artificielles. Un phénomène inquiétant, puisque plus de 70 % des espèces sont partiellement ou exclusivement nocturnes ! Les sources lumineuses attirent les animaux à « phototaxie positive » (attraction irrésistible vers la lumière). Pris au piège, il finissent par mourir d’épuisement. C’est le cas de nombreux insectes nocturnes. Certaines espèces de Chiroptères y tirent potentiellement avantage, comme les Pipistrelles chassant le long des lampadaires. Le Grand Rhinolophe, espèce en régression, chasse dans l’obscurité totale alors que ses proies habituelles, les papillons de nuit, s’agglutinent autour des sources lumineuses. Les insectes nocturnes, et notamment les Hétérocères, sont des pollinisateurs importants. Par conséquent, l’éclairage artificiel nocturne contrarie aussi leur rôle de pollinisateur.

L’éclairage artificiel nuit également aux oiseaux migrateurs. En effet, ces derniers se repèrent aussi bien au champ magnétique terrestre qu’à la position des étoiles. Les lumières urbaines troublent la perception des migrateurs, qui perdent leur cap. C’est le cas des vols désorientés d’oiseaux dans les faisceaux commémoratifs des Twin Towers à New York. Ou bien encore des collisions contre les vitres de grands buildings, cause principale de mortalité directe pour l’avifaune nord-américaine.

Enfin, la pollution lumineuse a aussi des effets négatifs sur la santé humaine : elle perturbe les rythmes circadiens pouvant entraîner fatigue, troubles du comportement, perturbations hormonales… Paradoxalement, dans une société qui promeut de plus en plus l’exposition permanente aux sources lumineuses artificielles comme un modèle de consommation, les prestations de bien-être telles que la luminothérapie ne se sont jamais aussi bien porté !

Vers l’instauration d’une trame noire ?

Face à ce phénomène de pollution lumineuse, une politique inspirée de la Trame Verte et Bleue est apparue. Il s’agit de la trame noire, dont l’objectif est de limiter la dégradation et la fragmentation des habitats dues à l’éclairage artificiel. Pour se faire, la trame noire s’appuie sur un réseau écologique formé de réservoirs et de corridors propices à la biodiversité nocturne. Le Parc national des Pyrénées prend ainsi la question au sérieux depuis 2015. La nuit y est désormais protégée en tant que patrimoine naturel et culturée, mais aussi reconnue comme exceptionnellement pure. Elle porte le label de Réserve internationale de ciel étoilé (RICE).

Dédiée à la protection de nos nuits, la RICE est également la source d’un développement local. Désormais, le territoire du PNR des Pyrénéennes ariégeoises prend en considération, en plus de la TVB, la notion de trame noire afin d’inclure l’impact de la pollution lumineuse dans la continuité des écosystèmes.

La trame noire se cale sur un travail de cartographie de la pollution lumineuse et sur la sensibilité de deux familles de Chiroptères : les Vespertilionidés et les Rhinolophidés. Leur seuil de sensibilité s’évalue à 21,3 mag/arc.sec². Les réservoirs de biodiversité se départagent ainsi en trois catégories autour de cette valeur. Il est possible ainsi de leur attribuer une note de qualité vis à vis de leur irradiance lumineuse. Grâce à cette méthode, il est ainsi possible de travailler en concertation avec les communes sur la réduction l’éclairage artificiel.

A l’avenir, la présence de Chiroptères peut représenter un élément de concertation essentiel pour la mise en place de trames noires. En parallèle, un travail de médiation vise à communiquer auprès des usagers et riverains. La grande majorité des personnes interrogées s’accordent sur les effets néfastes de l’absence de nuit sur la faune nocturne. Mais les élus restent encore frileux au déploiement d’une politique de trame noire. Point encourageant, l’image de la chauve-souris s’améliore auprès de de nos concitoyens. En effet, de plus en plus de riverains sont sensibles à leur rôle d’auxiliaire biologique. Une note d’espoir en cette décennie de régression de la biodiversité.

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