Huit actions en faveur des Insectes

Huit actions simples pour enrayer le déclin des Insectes ? Voilà bien un message des plus positifs en cette décennie marquée par l’effondrement de la biodiversité. Et il s’agit bien de la promesse d’un article de Kawahara et al. paru en 2021 dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences. Mais comment réaliser ce miracle écologique ? Voyons d’un peu plus près quelles sont ces actions en faveur des Insectes.

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Exemple de diversité spécifique de la classe des Insectes – Wikipedia

Les Insectes nous sommes si familiers que nous en oublions presque les rôles écosystémiques majeurs qu’ils nous rendent. Rien que pour l’agriculture aux USA, la valeur du rôle écologique des Insectes est évaluée à près de 70 milliards de dollars / an ! Le rôle des Insectes ne se limite pas à polliniser les végétaux que nous cultivons. Il nous fournissent aussi miel, soie, cire, colorants, et même des protéines animales alimentaires.

Leurs fonctions dans la nature ne sont plus à démontrer, et cette classe taxonomique d’Invertébrés y tient une position si centrale que leur disparition poserait de sérieuses questions sur la survie des écosystèmes et l’avenir de l’humanité. Or le déclin des Insectes est désormais un fait scientifique, et dont les causes multifactorielles sont toutes d’origine anthropique. Nous scions littéralement la branche sur laquelle nous sommes assis ! Pour autant, existe-t-il des solutions pour enrayer ce déclin ? Si toutefois la situation puisse être, espérons-le, encore réversible. Examinons maintenant ces actions en faveur des Insectes proposées par Kawahara et al. (2021).

1. Transformez les pelouses en divers habitats naturels

Limiter le travail du jardin en laissant au moins 10% d’espace « ensauvagé » constitue des refuges naturels pour la biodiversité. Les pages web, articles et livres de conseils abondent afin de proposer diverses bonnes pratiques de jardinage favorables à la biodiversité. Prenons par exemple les conseils de l’OFB, qui préconise d’aménager son jardin en conséquence. Mais aussi de limiter l’utilisation de tourbe ou encore de bannir l’usage de pesticides.

2. Cultivez des plantes indigènes

Les plantes exotiques vendues en jardinerie ont leur lot d’effets néfastes sur la biodiversité. Risque d’espèces envahissantes comme la Renouée du Japon, impacts plutôt négatifs sur les Papillons autochtones comme le Buddleia de David. D’ailleurs, ce fameux Buddleia ou « arbre à papillons » abreuve de nectar les imagos mais n’offre pas de nourriture à leurs chenilles. Il peut même se révéler toxique pour certaines espèces ! Son rôle écologique est donc assez ambivalent. Espèce envahissante, il va supplanter les plantes-hôtes de certaines espèces allochtones et les menacer.

Cependant, d’autres espèces locales comme le Moro-sphinx ont progressivement adopté cette espèce végétale exotique parmi leurs plantes-hôtes et sont donc favorisés. Néanmoins, il s’agit bien ici d’une perturbation des écosystèmes liée à une espèce exotique envahissante !

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Belle Dame sur Buddléia. Crédits photographiques : Guillaume Calu

3. Réduire l’utilisation de pesticides et d’herbicides

Récemment, une étude reliait intensification des pratiques agricoles et perturbation des populations aviaires. Le facteur négatif des phytosanitaires sur les Insectes est tout aussi renseigné. Les néonicotinoïdes ne sont pas les seuls pesticides en lien avec le déclin des Insectes. L’impact des herbicides sur les insectes peut être indirect (destruction des habitats) ou directe (mortalité, effets sublétaux). De manière plus globale, les agents phytosanitaires affaiblissent les populations d’Invertébrés de deux manières. Par des toxicités aigües, bien entendu. Mais aussi par des toxicités chroniques et effets sublétaux peut-être beaucoup plus insidieux.

Par exemple, l’exposition aiguë et chronique au glyphosate peut déclencher des altérations de l’expression des gènes, du fonctionnement enzymatique, du métabolisme oxydatif, de la structure cellulaire ou tissulaire en histologie, du développement embryonnaire. Mais aussi modifier la diversité du microbiote intestinal, affecter le comportement d’apprentissage, le comportement de vol, ou encore les comportements alimentaires.

4. Limitez l’utilisation de l’éclairage extérieur

Ce facteur anthropique est souvent repris comme argument whataboutiste par les partisans d’un déni du déclin des Insectes. Il faut rappeler qu’il s’agit tout de même bien d’un facteur anthropique supplémentaire de déclin. Par exemple, les populations de papillons Hétérocères à comportement strictement nocturne diminuent plus rapidement que leurs cousins à comportement diurne, et ce en raison de la pollution lumineuse (Coulthard et al., 2019). Ce n’est pas qu’une question d’éclairage public. Les « zappeurs d’insectes » à lumière UV sensés attirer les moustiques par exemple, tuent au final beaucoup plus d’espèces non cibles !

5. Limitez le déversement de solvants ménagers et détergents doux à usage domestique dans l’environnement

Laver la voiture en extérieur dans le jardin, décaper un outil au WD-40 sur la pelouse, autant de petites actions délétères pour les Invertébrés. Or nos activités domestiques sont tout aussi responsables de cette pollution du sol et de l’eau que les rejets industriels ou agricoles ! De manière générale, l’exposition de la faune aquatique aux micropolluants interroge sur leurs conséquences écotoxicologiques. Les Insectes n’échappent pas à ce risque, en raison du grand nombre d’espèces aux cycles de vie partiellement ou totalement aquatiques. D’où la nécessité d’adopter des démarches alternatives respectueuses de l’environnement !

6. Changez votre regard sur les Insectes

Les Insectes ne figurent pas parmi les Animaux les plus appréciés par nos concitoyens. Ils sont tout au mieux ignorés, lorsqu’ils ne sont pas implacablement détruits car jugés nuisibles ou repoussants. Ce manque flagrant de popularité chez la plupart des espèces participe à leur raréfaction. En refusant de vivre avec les Insectes, nous acceptons inconsciemment leur destruction. Or la biodiversité entomologique ne se limite pas qu’aux mouches et moustiques ! Si ces deux taxons n’ont de cesse de nous harceler à la belle saison, ils nous feraient presque oublier qu’à l’échelle de la France métropolitaine, plus de 40 000 espèces d’Insectes nous côtoient !

La sensibilisation à la biodiversité demeure un levier fort de protection du vivant auprès de nos concitoyens. Il est donc crucial de changer également de regard sur les Insectes ! Les espèces pollinisatrices apparaissent évidemment comme des auxiliaires utiles pour l’agriculture. Mais il ne faut pas non plus négliger les nombreux rôles et services des Insectes au sein des écosystèmes. Or la recherche scientifique elle-même est encore en retard sur la compréhension de ces interactions écosystémiques ! Faute d’intérêt et de financements, l’entomologie est une discipline menacée. Le remède est pourtant simple ; il suffit de créer de l’enthousiasme auprès du grand public pour insuffler une nouvelle dynamique sociétale et scientifique ! Alors, qu’attendons-nous pour changer de regard sur les Insectes ?

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Tachina grossa, un Diptère qui fréquente les landes et les milieux ouverts, est un exemple typique d’Insecte fascinant pourtant ignoré du grand public. Crédits photographiques : Guillaume Calu

7. S’investir dans les sciences participatives et contribuer à faire connaître les Insectes

Contrairement aux idées reçues, il n’est pas nécessaire d’être un scientifique chevronné pour faire avancer la recherche scientifique ! Les sciences participatives permettent à tout à chacun d’apporter sa petite pierre à l’édifice. En sciences entomologiques aussi, il existe différents programmes de science participative. Le programme vigie-nature propose ainsi de participer au suivi Spipoll. Grâce à l’application smartphone, vous devenez photographe nature et contribuez ainsi au suivi des populations d’Insectes de l’Hexagone.

Sur le plan sociologique, ces programmes de science participative présentent d’ailleurs un net avantage. Le suivi du programme Spipoll depuis 2010 démontre un impact durable sur la perception de la nature et de la biodiversité chez les participants. Observer les Insectes pour mieux apprécier leur biodiversité tout en épaulant la recherche scientifique, que du positif !

8. Réclamer des engagements politiques forts pour la sauvegarde des Insectes et de la biodiversité.

Les actions en faveur des Insectes ne peuvent se passer d’engagements politiques majeurs. Or il est indispensable que nos décideurs prennent la mesure de la crise actuelle de la biodiversité. L’amnésie environnementale, ce phénomène d’oubli générationnel du recul des populations sauvages, contribue à l’inaction politique. Or notre rôle, en tant que citoyens, consiste justement à réclamer de la part de nos dirigeants de réelles actions politiques en faveur de l’environnement ! La sensibilisation, mais aussi la mobilisation citoyenne, s’imposent donc comme deux leviers importants d’actions en faveur des Insectes.

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