Existe-t-il une causalité entre état physiologique des oiseaux sauvages et infection aux virus de l’Influenza Aviaire de sous-type A(H5N1) ? En l’état actuel des connaissances et études menées sur le modèle des canards colverts sauvages, cela reste contre-intuitif.

Une hypothèse de recherche
Les virus de l’influenza de type A se classent en deux catégorie. Ceux à faible pathogénicité ou « low pathogenicity avian influenza (LPAI) A viruses », et ceux très pathogènes ou « highly pathogenic avian influenza (HPAI) A viruses ». Les LPAI peuvent contaminer les oiseaux sauvages et domestiques mais sont le plus souvent asymptomatiques. Cependant, ces virus peuvent muter en types HPAI et représentent donc une menace potentielle.
Les HPAI hautement pathogènes ont des taux de mortalité supérieurs à 90%. Seuls les sous-types de l’influenza A(H5) et A(H7) entrent dans cette catégorie. Certains oiseaux sont cependant asymptomatiques, mais peuvent contribuer à leur diffusion par les voies migratoires. Le lien entre état physiologique des Palmipèdes et infection aux virus de l’influenza type A est activement étudié par les biologistes, autant pour expliquer les mécanismes d’infection que pour comprendre les conséquences de l’influenza aviaire sur la faune sauvage.
Premières études
Un article de Gils et al. (2007) a révélé que des Cygnes de Bewick infectés par des souches de type A à faible pathogénicité LPAI présentaient une migration retardée, des taux d’alimentation réduits et des distances de vol plus courtes par rapport aux congénères non infectés. Les souches d’influenza aviaire LPAI sont intéressantes pour ce genre d’études car elles sont faiblement pathologiques, il est donc possible de suivre les effets physiologiques et sub-létaux d’une infection chez la faune sauvage.
Latorre-Margalef et al. (2008) ont publié un article dans Proceedings of the Royal Society B sur l’effet des infections aux virus de l’influenza de type A souches LPAI chez les canards colverts sauvages. Leurs données montraient que la masse corporelle était significativement plus faible chez les canards infectés que chez les canards non infectés, et que les teneurs en particules virales dans les fientes de juvéniles négativement corrélées à leur masse corporelle. En conclusion, la masse corporelle se détériore suite à une infection à l’influenza aviaire de type LPAI. L’infection peut entraîner des coûts physiologiques plus importants pour la sauvagine. Mais elle n’a pas affecté la vitesse ou la distance de la migration ultérieure.
Une polémique scientifique
Ce à quoi Flint & Franson (2009) répondent par un commentaire publié également dans la revue Proceedings of the Royal Society B. Pour ces auteurs, les relations de cause à effet développées dans l’article de Latorre-Margalef et al. (2008) demeurent discutables. Pour eux, il n’est pas possible de déterminer si l’état corporel est lié à une infection de type LPAI, ou vice versa. Ils fournissent ainsi une explication alternative, suggérant que les oiseaux en moins bon état de santé présentent un système immunitaire affaibli et sont donc plus sensibles au souches virales d’influenza aviaire.
Mais Flint & Franson (2009) sont prudents et remarquent qu’ils ne sont pas pour autant capables de démontrer que les oiseaux en mauvais état physiologiques soient plus sensibles aux virus de l’influenza type A ! C’est d’ailleurs le problème majeur de cette hypothèse. Ce à quoi Latorre-Margalef et al. (2009) répondent, à nouveau dans la revue Proceedings of the Royal Society B, que si le mauvais état physiologique est une causalité intuitive, ce n’est pas pour autant un axiome établi.
Considérations actuelles et hoax sur les réseaux sociaux
Bref, cette hypothèse d’un mauvais état physiologique comme causalité majeure des infections des oiseaux sauvages aux souches de virus d’influenza de type A a beau être populaire chez certains experts autoproclamés des réseaux sociaux, elle n’est pas pour autant fondée.
Alors, qu’en est-il ? van Dijk et al. (2014) se sont à leur tour intéressés à l’état corporel et immunitaire de Canards colverts sauvages infectés ou non par des souches d’influenza type A LPAI. Leurs travaux concluent à des différences mineures, et soulignent donc que la causalité entre état de santé des canards et infections aux souches d’influenza type A LPAI est statistiquement faible. Mêmes conclusions pour Arsnoe et al. (2011) qui soulignent même qu’une mauvaise condition corporelle des Canards colverts sauvages est défavorable à une infection au virus de l’influenza type A LPAI ! Leurs observations sont donc clairement en contradiction avec l’hypothèse selon laquelle les oiseaux en condition réduite seraient plus sensibles à l’infection par des virus d’influenza type A LPAI.
Conclusion
Bref, en l’état de la bibliographie consultée ici, il n’y a pas de causalité évidente entre mauvais état physiologique ou immunologique des oiseaux sauvages et infection aux virus d’influenza aviaire #LPAI. Cependant, les menaces pesant sur la faune sauvage sont multiples. La pandémie d’influenza aviaire #HPAI s’ajoute aux changement climatique et à la sur-exploitaton des ressources halieutiques, facteurs multiples qui provoquent un effondrement des ressources alimentaires pour les oiseaux marins.