Le déclin des insectes : trente années d’inactions gouvernementales ? Un article paru aujourd’hui dans la revue Ecology & Evolution dresse un état du difficile combat de conservation de cette biodiversité souvent méconnue du grand public. Les 30 dernières années de politique internationale ont produit au moins 32 rapports, analyses et traités visant à mettre en œuvre des objectifs de conservation de la biodiversité. Sans grands résultats pour le moment. Et concernant les Insectes, les auteurs de cet article dressent un bilan global tout aussi pessimiste.
Le déclin de la biodiversité entomologique a certes fait débat. Mais il apparaît désormais un consensus scientifique solide autour du déclin actuel des Invertébrés. Quelles en sont les causes ? Multifactorielles, mais toutes reliées selon les auteurs à une surexploitation économique de l’environnement. Les Insectes sont donc les innombrables victimes d’une exploitation excessive des écosystèmes : destruction d’habitats, pesticides et pollutions diverses, changement climatique, introduction d’espèces envahissantes, etc … Toutes ces causes agissent en synergie négative.
Ici, nullement l’idée de hiérarchiser ces facteurs de déclin, ils sont tous préoccupants. Et le manque d’action politique en retour est effrayant. Pour ne citer que l’exemple des néonicotinoïdes, il suffit de les interdire pour que des politiques réclament leur retour. Et tant pis pour leur impact environnemental. En somme, le cauchemar de Rachel Carson n’a jamais cessé de hanter notre quotidien. Or le sujet soufre aussi de biais de sensibilisation du grand public. L’abeille mellifère est une superstar médiatique. Mais elle occulte tout un cortège d’espèces pollinisatrices menacées de disparition. Pire encore, le revers de médaille négatif de l’apiculture passe souvent sous silence. Au final, ces stars entomologiques ont un effet pervers sur la conservation de la biodiversité, accélérant parfois même leur déclin !
Ce n’est pas un seul Insecte qui maintient les interactions au sein des écosystèmes, mais toute une richesse spécifique complexe. Or voilà, ces petites bêtes « dégoûtent » lorsqu’elles ne sont pas tout simplement ignorées. L’insecte inspire au pire du mépris, au mieux de l’indifférence. Nous en venons à des paradoxes de conservation, comme les fameux « jardins-refuges à papillons » qui ne peuvent – et ne pourront jamais – accueillir toutes les espèces en déclin. Sinon favoriser certaines espèces aux biotopes naturels proches.
La sensibilisation du grand public est donc cruciale. Mais que peuvent les initiatives de science participative face à l’immobilisme politique ? Décennie après décennie, le déclin des Insectes pose la question de la résilience des écosystèmes. Jusqu’à quel point leur abondance peut-elle s’effondrer avant que des cascades trophiques n’apparaissent ? Nous savons que 75% de la macro-biodiversité repose sur ces interactions entre plantes, invertébrés pollinisateurs, herbivores et parasitoïdes. Si demain ce pilier central s’effondre, la cascade des déclins écosystémiques sera cataclysmique.
La conservation de la nature n’est pas la seule victime. Notre agriculture pourrait bien s’effondrer tout autant. Bien-sûr, nous pourrions parler d’alimentation à base de protéines d’Insectes, de techno-solutionnisme coûteux pour polliniser nos champs, et autres miroirs aux alouettes. Sans la nature, nos civilisations s’effondrent. Peut-être sommes-nous trop détachés de cette réalité pourtant triviale. Peut-être faudrait-il dépasser ce dualisme, replacer l’homme dans les cycles fonctionnels écologiques, comme le proposait la philosophe Val Plumwood. Le fameux bien-être du promeneur admirant un papillons voletant le long d’un chemin ne suffit pas. Notre froide énumération des services écosystémiques offerts par les Insectes ne doit pas non plus nous faire oublier l’essentiel.
Les Insectes représentent un pilier central de nos écosystèmes. Que leurs « rôles » dans la nature ne soient pas encore complètement élucidés devrait appeler à plus de modestie. Mais aussi inspirer plus de prudence à nos dirigeants. Qu’importe que les économistes puissent ou non chiffrer la valeur des services écosystémiques. Notre devoir moral est de veiller à préserver ces biodiversité, pour la pérennité de notre biosphère. A l’heure où l’IPBES publie, à l’image du GIEC, un rapport global majeur sur l’état de la biodiversité, le déclin des Insectes devrait constituer une priorité politique internationale. Il est urgent de penser la conservation de la nature de manière globale, systémique, et non de nous contenter de la sauvegarde des quelques stars entomologiques.