Nourrir les oiseaux du jardin en hiver séduit de plus en plus de citoyens. En effet, nombreux sont les particuliers soucieux d’aider la biodiversité qui les entoure. En outre, une récente étude britannique démontre les effets positifs du nourrissage artificiel hivernal. Mais encore faut-il sélectionner une nourriture saine et équilibrée !
La vente de boules de graisse dans les magasins de jardinage est ainsi en plein essor. En effet, elles sont très prisées des particuliers car vendues prêtes à l’emploi dans de nombreux magasins. Mais si la meilleure solution consiste à fabriquer ses propres boules de graisse, peu d’amoureux de la nature y consacrent le temps nécessaire. C’est pourquoi bon nombre de jardiniers se contenteront d’acheter ces boules de graisse industrielles.
Cependant, les articles commercialisés dans les grandes surfaces et magasins de jardinage ne sont pas exemptes de défauts. En effet, souvent pointées du doigt comme dangereuses pour la faune sauvage et les animaux domestiques, elles sont même décriées par certains ornithologues ! Mais qu’en est-il vraiment, et doit-on retirer les boules de graisse aux oiseaux en hiver ? Cet article aborde donc sur ces aliments particulièrement appréciés des oiseaux du jardin et vous propose d’adopter quelques conseils d’achats « éco-responsables » pour vos petits visiteurs.
L’athérosclérose aviaire
Tout d’abord, les lipides contenus dans les boules de graisse représentent une intéressante source d’énergie pour les oiseaux en hiver. Mais encore faut-il que leur consommation ne crée pas des déséquilibres alimentaires. Ou bien pire, qu’elle ne mène à des cas d’athérosclérose aviaire ! Cette maladie des artères est ainsi la première cause de mortalité humaine par accidents cardio-vasculaires dans les pays développés. Mais elle est aussi documentée chez différents oiseaux domestiques comme sauvages.
L’athérosclérose est en effet souvent liée à une alimentation trop riche en « mauvaises graisses ». Le cholestérol, les acides gras saturés (AGS) et acides gras mono-insaturés (AGMI) sont donc plus précisément impliqués dans la formation d’athéromes obstruant les artères. Ils tapissent alors la paroi interne des vaisseaux sanguins en fines stries lipidiques, de sorte que les protéines de coagulation et cellules sanguines vont s’y fixer. Par conséquent la plaque se calcifie, grossit en masse et obstrue petit à petit le flux sanguin jusqu’à boucher le circuit.
Des cas d’embolies de cholestérol
En effet, le cholestérol est un constituant minoritaire des athéromes (10%) (Taylor et al., 2002). Mais si la plaque se rompt, elle peut libérer suffisamment de graisses pour provoquer une embolie de cholestérol. Les oiseaux urbains sont aussi des victimes insoupçonnées de cette maladie. En effet, d’importants taux de cholestérol sanguin ont été rapportés chez les oiseaux urbains. Les moineaux domestiques, en voie de régression, sont eux aussi victimes de nos aliments trop gras (Achrafi, 2015).
En effet, ces derniers n’hésitent pas à consommer les miettes de « junk food » laissées sur le sol ou dans les poubelles de nos grandes villes (Deluzarche, 2019). Pour eux aussi, cette mauvaise habitude alimentaire peut devenir dangereuse ! Une alimentation trop grasse d’animaux domestiques ou d’animaux d’élevage peut donc conduire aux mêmes symptômes. Chez les Perruches et Perroquets (Bavelarr & Beynen, 2004 ; Beaufrer, 2013; Beaufrere, 2013; Beaufrere et al., 2014; Pilny, 2014), et même chez les Rapaces apprivoisés (Pradel, 2018), des concentrations plasmatiques trop élevées de cholestérol sont corrélées avec de graves lésions athérosclérotiques.
Les graisses animales : un mauvais aliment pour les oiseaux du jardin
Il est toutefois indispensable de bannir ces graisses animales des préparations pour oiseaux des jardins ! Le tableau ci-dessous présente ainsi la composition lipidique de différentes huiles et graisses entrant dans la fabrication de boules de graisse ou pains de graisse pour oiseaux. L’excès de graisses riches en cholestérol, AGS et AGMI présente donc un danger pour les oiseaux. Aussi, le suif et le saindoux sont déconseillés. Ces lipides ne sont donc pas pour autant à bannir totalement de leur alimentation : tout est une question d’équilibre alimentaire.
Type d’huile | Acides gras saturés (AGS) | Acides gras poly-insaturés (AGPI) | Acides gras mono-insaturés (AGMI) | Cholestérol |
---|---|---|---|---|
Huile végétale | 14,00% | 33,00% | 48,00% | 0,00% |
Huile de tournesol | 13,00% | 36,00% | 46,00% | 0,00% |
Huile de palme | 49,00% | 9,00% | 37,00% | 0,00% |
Suif (bœuf, mouton) | 50,00% | 4,00% | 42,00% | 0,11% |
Saindoux (porc) | 32,00% | 11,00% | 41,00% | 0,10% |
Un choix éthique des graisses employées
Les graisses végétales présentent par ailleurs une composition plus équilibrée : moins de graisses saturées, plus d’acides gras poly-insaturés (AGPI). D’autant que derrière ce nom savant se cachent des alliés lipidiques nutritionnels qui nous préservent des maladies cardiovasculaires ! Enfin, l’huile de palme, liée à une exploitation néfaste de l’environnement, est également trop riche en acides gras saturés. Elle est donc définitivement à bannir !
En conclusion, il faut mieux utiliser de d’huile végétale que des graisses animales (comme le suif ou saindoux). Mais les boules de graisse industrielles contiennent souvent du suif, utilisé comme liant pour faire prendre en masse le mélange de graines. Son emploi excessif peut donc provoquer des déséquilibres alimentaires. Pour limiter son emploi, l’industriel mélange aussi le suif avec des farines de blé ou de maïs, très pauvres en lipides (1 à 2%). Si une boule de graisses commerciale contient des graisses animales, la présence de farines végétales dans sa composition permettra en effet de rééquilibrer la recette.
Des conservateurs dans les boules de graisse ?
Tout d’abord, la plupart des marques utilisent des additifs alimentaires pour maintenir la durée de conservation de leurs boules de graisse. En outre ces préparations sont déjà très pauvres en eau et peuvent se conserver toute une saison à l’abri de l’humidité. Par ailleurs, il est déconseillé de stocker ces aliments plus d’une année, certains champignons pouvant s’y développer. Les boules de graisse ne sont donc pas censées être stockées au-delà de la période de nourrissage. L’ajout d’agents anti-rancissement des graisses est alors inutile.
Deux additifs alimentaires (E311 et E320) rentrent ainsi dans la composition de plusieurs références de boules de graisse industrielles. Le tableau ci-dessous détaille également leurs effets connus sur la santé. Qu’un de ces additifs, le E311, soit tout bonnement interdit dans les denrées alimentaires destinées au consommateur de la zone européenne, est plutôt étonnant ! Enfin pour le E320, il est classé comme cancérigène possible selon le CIRC. Les tests effectués sur rongeurs confirment également cette toxicité.
Code | Formulation | Usage | Effet sur la santé |
---|---|---|---|
E170 | Carbonate de calcium | Complément alimentaire | Pas de risque associé |
E311 | Gallate d’octyle | Antioxydant (anti-rancissement des graisses) | Effets inconnus. Interdit d’usage dans les denrées alimentaires dans l’UE depuis le 25 avril 2019 |
E320 | Butylhydroxyanisol | Antioxydant (anti-rancissement des graisses) | Cancérigène possible selon le CIRC. Perturbateur endocrinien. |
Bannir ces additifs de vos boules de graisse
En effet, donner des aliments contenant cette molécule à des animaux de corpulence comparable ne semble pas non plus une idée judicieuse. Cependant, le E170 est autorisé dans les produits de normes Bio. Cet additif se retrouve aussi dans les produits cosmétiques et alimentaires. Sa présence en tant que complément alimentaire ne pose donc pas de problèmes particuliers.
L’ajout de ces additifs contestés dans les aliments pour oiseaux pose donc question. En effet, quel est l’intérêt de rajouter des agents anti-rancissement des graisses dans ces aliments ? Mais encore, pourquoi avoir recours à des additifs dont les effets sur la santé humaine suscitent l’inquiétude ? En somme, choisir ses boules de graisse en conséquence est aussi une démarche éco-citoyenne.
Nourrissez sans filets
La plupart des marques proposent tout d’abord des boules de graisse empaquetées dans des filets plastiques. En effet, cela facilite leur installation dans le jardin, pendues au grillage ou à une branche d’arbuste. Mais si cette astuce peut sembler plus économique que l’achat d’un distributeur de boules de graisse, rappelons que ces filets plastiques provoquent deux inconvénients majeurs :
En outre, les espèces acrobates comme la Mésange bleue risquent de s’accrocher et de se briser les pattes dans ces filets. Les conséquences d’une fracture ouverte pour un passereau en plein hiver sont alors sans appel. Votre nourrissage se transforme alors en un piège mortel pour oiseaux.
Ces filets contribuent aussi à la pollution de l’environnement par les matières plastiques. Par conséquent, les plus consciencieux retireront ces filets plastique avant nourrissage. Cet inutile filet n’est finalement qu’un déchet supplémentaire dans la course au suremballage. Les militants « zéro déchets » nous feront aussi remarquer qu’il s’agit d’une sur-consommation de matière fossile. Et donc de la pollution. Mais bonne nouvelle, les boules de graisses vendues en vrac sans filet existent aussi en rayon !
Recommandations : les bonnes pratiques
- Consultez d’abord la liste des matières grasses utilisés par le fabriquant de boules de graisse. N’achetez ainsi que des produits composés majoritairement ou exclusivement de graisses végétales.
- Bannissez aussi les additifs alimentaires E311 et E320 ! Ces additifs alimentaires n’ont aucun intérêt sinon de dégrader la santé de vos hôtes à plumes.
- Enfin, privilégiez les boules vendus en vrac et sans filets. Évitez également le sur-emballage pour des raisons écologiques !
Vous savez désormais tout sur les boules de graisse pour oiseaux. N’hésitez pas à consulter également notre guide du nourrissage des oiseaux en hiver afin d’aménager votre jardin pour vos visiteurs ailés !
Bibliographie
- Achrafi, S. (2015). Le moineau des villes, victime de la malbouffe. Sciences et Avenir. [En ligne]
- Bavelarr & Beynen (2004). Atheroscleroris in parrots. A review. Vet Q 26(2), p. 50-60.
- Beaufrere (2013). Avian atherosclerosis : parrots and beyond. Journal of Exotic Pet Medicine, 22, p. 336-347.
- Beaufrere (2013). Experimental diet induced atherosclerosis quaker parrots. Vet pathol, 50(6), p. 1116-1126.
- Beaufrere et al. (2014). Association of Plasma Lipid Levels With Atherosclerosis Prevalence in Psittaciformes. Journal of Avian Medicine and Surgery, 28(3), p. 225-231.
- Deluzarche, C. (2019). Science décalée : les corbeaux des villes ont trop de cholestérol. Futura-Sciences. [En ligne]
- Pilny (2004). Evaluation of Chlamydophila psittaci infection and other risk factors for atherosclerosis in pet psittacine birds. J Am Vet Med Assoc, 240 (12), p. 1474-1480.
- Pradel B. (2018) Impact du régime alimentaire sur l’incidence de l’athérosclérose sur les oiseaux. Exemple d’une collection de Milans noirs (Milvus migrans) et Milans parasites (Milvus migrans parasiticus). [En ligne]
- Taylor AJ, Kent SM, Flaherty PJ, Coyle LC, Markwood TT, Vernalis MN, Arbiter (2002). Arterial Biology for the Investigation of the Treatment Effects of Reducing Cholesterol: a randomized trial comparing the effects of atorvastatin and pravastatin on carotid intima medial thickness. Circulation, 106(2055-2060).