Limites planétaires : six sur neuf sont désormais franchies

Les limites planétaires sont un modèle d’indicateurs environnementaux dont le dépassement met en péril notre développement durable. Ce cadre d’analyse de l’impact anthropique sur la stabilité et la résilience globale du système Terre comprend neufs limites spécifiques. Il fut initialement proposé par Johan Rockström et Will Steffen dans les revues Nature (2009) et Ecology and Society (2009).

Aujourd’hui, un collectif de 29 chercheurs publie dans la revue Science Advances (2023) un état des lieux actualisé de ce modèle environnemental. Et les nouvelles sont mauvaises, puisque désormais nos activités humaines transgressent six limites sur les neuf définies !

limites planétaires

Principe du modèle des limites planétaires

Depuis près de 10.000 ans, l’Holocène apparaît comme une période relativement stable et chaude. Elle se caractérise cependant par des changements environnementaux graduels à mesure que l’activité humaine s’intensifie à la surface de la Terre. Ce forçage environnemental impacte forcément le système global de notre planète. Aussi le système global évolue, avec un risque croissant de déséquilibre à l’échelle planétaire.

Les perturbations anthropiques que subit l’environnement à l’échelle globale ne se limitent donc pas qu’au changement climatique. D’autres paramètres, comme la biodiversité, la couche d’ozone, la qualité de l’air, de l’eau, ou encore la pollution chimique rentrent tout aussi en compte. Ces forçages anthropiques sont d’ailleurs en mesure de modifier radicalement les cycles biogéochimiques terrestres ! Mais jusqu’à quelles limites le modèle planétaire global est-il durable et résilient ? C’est la problématique à laquelle tente de répondre le cadre des limites planétaires.

La science du système Terre

Cette notion apparaît en novembre 1983, lorsque la NASA forme un comité scientifique pour étudier ce domaine de recherche. L’Earth System Science Committee propose alors une approche holistique, l’objectif étant d’établir des ponts entre les disciplines environnementalistes. Un des résultats les plus probants de cette approche concerne l’approfondissement de nos connaissances des cycles biogéochimiques terrestres. L’anthroposphère se rajoute ensuite à ces modèles afin de mieux comprendre quel est l’impact de notre empreinte sur le système Terre. Le caractère prédictif de ces recherches est soutenu par le développement de l’informatique à la fin du XXème siècle, qui fournit la puissance de calcul nécessaire à l’exécution de ces modèles.

Neuf limites planétaires à ne pas franchir

Afin de mieux comprendre comment la géosphère, la biosphère et l’anthroposphère interagissent ensemble, les chercheurs impliqués dans ce modèle global interrogent sans cesses les données et ressources bibliographiques disponibles. Les neufs limites retenues représentent donc toutes des composantes du système Terre affectées de manière critique par les activités humaines. Leur liste est présentée ci-dessous :

  • Réchauffement climatique (limite dépassée)
  • Acidification des océans (saturation moyenne non dépassée)
  • Taux d’ozone stratosphérique (non, en cours de rémission)
  • Polluants et aérosols atmosphériques (limite non franchie, encore mal identifiée à l’échelle globale)
  • Cycles biogéochimiques de l’azote (N) et du phosphore (P) (limite dépassée)
  • Consommation d’eau douce (limite dépassée)
  • Changement d’usage des sols (limite dépassée)
  • Intégrité de la biosphère (limite dépassée)
  • Introduction de nouvelles entités dans l’environnement (limite non quantifiée, estimée dépassée)

Conséquences pour un développement durable

Les activités humaines transgressent actuellement six des neuf limites planétaires. Depuis 2015, le degré de transgression ne cesse d’augmenter. Mais il faut craindre que la situation empire, dès lors que la hausse des émissions de dioxyde de carbone (CO2) menacent également de franchir la limite d’acidification des océans.

Collecter des données environnementales plus cohérentes pour certaines limites permettra également, de l’aveu même des auteurs, d’améliorer la pertinence des seuils de résilience retenus. Néanmoins, cette prudente critique scientifique ne doit nullement être interprétée comme une preuve de faiblesse de ce modèle environnemental global.

Le non-respect de ces limites planétaires met bien évidemment en péril les accords climatiques de Paris. Mais au-delà des engagements politiques mondiaux, la situation actuelle devrait servir de signal d’alarme à l’Humanité. La Terre risque de quitter son état de résilience actuelle, sans garanties futures de survie pour nos sociétés humaines. Innover pour garantir la stabilité des écosystèmes terrestres n’est donc pas une option politique. Mais un choix impératif si nous voulons promouvoir un développement durable de notre espèce.

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