Peut-on stériliser les sangliers pour réguler leur population ?

Face à l’explosion des populations d’Ongulés, peut-on éviter de réguler et plutôt stériliser les sangliers ? La question fait débat et l’expérimentation menée par des chercheurs de l’Université Autonome de Barcelone apporte un éclairage sur le cas des sangliers.

Les sangliers causent en zone urbaine et périurbaine des dégâts croissants. La présence de ces Suidés dans des secteurs densément habités soulève différents problèmes quant à leur régulation par le tir. Aussi les chercheurs barcelonais se sont penchés sur une méthode de stérilisation par traitement contraceptif, afin de freiner le taux de croissance des sangliers en zone urbaine ou semi-urbaine.

Il est en effet difficile d’organiser des battues entre les barres d’immeubles résidentielles ou les parkings de zones d’activités. D’un côté, associations et population peut s’y opposer. De l’autre, les nuisances des suidés provoquent de nombreuses plaintes. C’est pourquoi les chercheurs de l’Université de Barcelone se sont penchés sur une méthode de stérilisation déjà employée en élevage porcin en Nouvelle-Zélande. Il s’agit du vaccin Gonacon.

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Des sangliers s’invitent en plein quartier urbain de Montmorency (95) ! Source : Youtube

Stratégie vaccinale pour stériliser les sangliers

Ce vaccin immuno-contraceptif active la production d’anticorps anti-GnRH. Le système immunitaire des sangliers considère donc désormais l’hormone GnRH comme un antigène du non-soi. La GnRH ou hormone de libération des gonadotrophines hypophysaires est produite par l’hypothalamus. Elle permet, au terme d’un cycle hormonal en cascade, de déclencher l’ovulation et la spermatogénèse chez l’Homme comme chez le sanglier. Le Gonacon administré aux mammifères va inhiber par réponse immunitaire la GnRH (gonadolibérine) et donc leur cycle de reproduction en empêchant la production de gamètes matures.

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Expérimentation de la stratégie vaccinale

Les chercheurs ont testé ce procédé sur des sangliers capturés dans la région péri-urbaine de Terrassa, Matadepera et Vacarisses. Ce secteur communique avec la métropole barcelonaise mais aussi avec plusieurs parcs naturels. Depuis 2017, sur un total de 219 animaux capturés pour le projet, 192 ont été vaccinés, 154 été recapturés, ce qui a permis le suivi de 56 sangliers vaccinés (34 femelles et 22 mâles).

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Image satellite du site expérimental. Crédits : Google map.

La méthode s’apparente donc à une méthode de CMR (capture marquage recapture) avec un pourcentage d’animaux recapturés de 29,2 %. Ce qui n’est pas forcément très encourageant. Car en effet, n’oublions pas que la zone péri-urbaine communique avec différents parcs naturels. Aussi les sangliers, au vu de ce pourcentage de recapture, ne sont que peu cantonnés à la zone sub-urbaine. Hé oui, le sanglier, ça peut avoir la bougeotte !

Considérons les effets physiologiques chez les sangliers vaccinés. L’immuno-contraception a été efficace chez toutes les femelles traitées qui ont pu être recapturées. Chez les jeunes mâles prépubères (3 à 6 mois), l’inhibition semble définitive. La chose n’est cependant pas confirmée chez les femelles et les mâles de 6 mois à +2 ans ! Le Gonacon étant utilisé pour gérer une infertilité temporaire, une injection de rappel serait donc nécessaire. Avec passeport suido-sanitaire ?

Discussion de la stratégie vaccinale

Stériliser les sangliers pour éviter leur régulation peut donc sembler tentant, mais il faut cependant modérer quelque peu les enthousiasmes lus sur les réseaux sociaux. Mais les chercheurs barcelonais sont catégoriques. Si cette vaccination peut freiner le taux de croissance des populations de suidés, elle ne règlera pas à court terme les problèmes liés aux dégâts.

En réalité, cette mesure peut être même inefficace si les sangliers continuent à trouver gîte et couvert en zone urbaine. Et les chercheurs ne pointer du doigt le nourrissage artificiel (volontaire ou non) en ville. Bref, l’objectif est de ralentir le rythme de reproduction des sangliers dans ces lieux, afin de réduire le nombre d’incidents, mais cela ne sera pas possible sans améliorer la coexistence avec l’espèce.

Ce traitement contraceptif nécessite rappel chez les animaux pubères. Ce qui, de par les mouvements de populations et individu, risque d’être difficile. Hypothèse formulée : la stérilité changerait le comportement des sangliers qui réduiraient leurs déplacements. Cela reste à confirmer.

Le vaccin GnRH s’est avéré efficace sur différentes espèces sauvages, telles que le wapiti des montagnes Rocheuses ou le cerf de Virginie aux États-Unis. Mais cette solution biotechnologique non-létale a un coût. Le projet a reçu le soutien financier de différentes collectivités et organismes pour la vaccination de 192 sangliers. L’action pilote est de plus locale, sans vraiment couvrir les corridors naturels vers les parcs. En France, pour rappel, les populations de sangliers sont estimées aux nombres de prélèvements : 809 992 suidés, en augmentation de 8,4 % !

Conclusion

Aussi, bien que l’étude catalane soit prometteuse et que la publication d’un article scientifique peer-reviewed d’ici 2022 permettra d’en savoir plus, une autre question de fond se pose. Si la méthode était appliquée et généralisée en France comme alternative aux régulations par la chasse quel serait le coût (très élevé) ? Pour quelle efficacité à seulement moyen ou long terme ? Tout comme les chercheurs barcelonais, tempérons donc l’enthousiasme de cette annonce en nous limitant à rappeler qu’au mieux, la vaccination anti-GnRH permettra de freiner le taux de croissance du sanglier en zone péri-urbaine. Stériliser les sangliers n’est donc pas (encore) la solution miracle face à l’explosion de leurs populations !

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