Le nouveau cauchemar de Rachel Carson ? Dans son livre « Printemps silencieux » , la célèbre biologiste américaine s’insurgeait contre l’emploi excessif de pesticides de synthèse. Lanceuse d’alertes avant l’heure, elle prônait la lutte biologique, notamment les pulvérisations de Bacillus thuringiensis contre les insectes. Seulement voilà, ce traitement de lutte biologique en remplacement des traitements insecticides anti-moustiques pourrait à son tour provoquer des catastrophes écologiques. C’est du moins ce que révèle une étude de la Tour du Valat.
Dans un article publié par Ecotoxicology and Environmental Safety, Poulin et al. (2022) se sont intéressés aux traitements anti-moustiques par pulvérisations de spores de Bacillus thuringiensis israelensis. Leurs résultats montrent que la présence de spores persiste dans les milieux traités par rapport aux sites témoins. Mais elle augmente même année après année et persiste même jusqu’à trois ans après arrêt des traitements !
Les chercheurs notent que cette prolifération serait due à la contamination des Chironomidés qui se nourrissent à la surface des sédiments, où les spores de Bti s’accumulent et conservent leur toxicité. Ces Insectes de la famille des Diptères ressemblent à des moustiques, mais sont quasiment inoffensifs pour l’homme. Du moins les quelques cas d’espèces vectrices du choléra demeurent désormais hors de propos pour la France. Nous ne sommes plus dans les années 1830.
Des bioindicateurs signes de dégradation des zones humides
Par contre, les Chironomes sont des bioindicateurs de la qualité des eaux. Car en effet leurs cortèges d’espèces varient suivant la pollution du site et précèdent la prolifération des Tubifex en cas d’eau de qualité très médiocre. De plus, les Chironomes sont d’importants maillons dans le réseau trophique des zones humides ! Or, d’après les chercheurs, les sites à persistance de spores Bti s’accompagnent d’une réduction de l’abondance des Chironomes.
Tandis que les larves de moustiques visées par les traitements Bti s’alimentent en pleine eau et non à la surface des sédiments. Ils ne sont donc pas touchées par cette persistance entre deux traitements ou après abandon de la méthode de lutte biologique !
Conséquence du déclin des Chironomes, une perte de proies pour des prédateurs comme les larves d’Odonates, les Hirondelles, les Passereaux paludicoles. Toute une chaîne alimentaire de la zone humide est menacée. Cette alternative contre les insecticides de synthèse semblait bien résoudre un problème écologique. Seulement voilà, ce traitement de lutte biologique pourrait bien provoquer des effets désastreux et rendre les marais silencieux au printemps. Un cauchemar qui se répète ?