Lors de la conception d’un projet d’aménagement ou immobilier, la prise en compte de l’impact sur l’environnement est impérative. Cette réflexion doit permettre d’intégrer un schéma spécifique d’impact minimum sur les écosystèmes. Il s’agit alors d’éviter tout dégradation, de les réduire le cas échéant, ou de les compenser si aucune autre solution n’est possible. Cette séquence ERC est l’acronyme de éviter, réduire et compenser. Elle fait partie de la politique nationale du Ministère de l’écologie dans le cadre de la reconquête de la biodiversité.
Apparue dès 1976, cette notion est initiée dans sa forme actuelle dès 2009. La doctrine ERC s’appuie sur une réflexion globale de gestion et protection des milieux naturels. Sa doctrine, publiée en mai 2012, vise à assurer une meilleure prise en compte de l’environnement dans les décisions publiques. Il s’agit d’établir des lignes directrices nationales, simples et communes, découlant des textes législatifs et réglementaires. L’intégration de l’environnement est ainsi prise de façon homogène sur l’ensemble du territoire.
Principe hiérarchique de la séquence ERC
Cette séquence s’applique selon son ordre d’énumération. Il s’agit ainsi d’éviter au maximum les impacts à l’environnement lors de l’aménagement d’un projet. Puis de les réduire au maximum grâce à l’intégration d’ouvrages environnementaux. Enfin de compenser les impacts résiduels irréversibles.

L’évitement intervient en amont du projet. Cette étape consiste, selon le Cadre national, en trois mesures types. Tout d’abord l’évitement lors du choix d’opportunité : le projet est-il utile ou réductible ? Ensuite l’évitement géographique : tenir compte des schémas territoriaux. Enfin l’évitement technique : décider des choix d’aménagements et de construction. Un contre-exemple actuel est projet de sanctuaire à Saint-Pierre-de-Colombier, dan le PNR des Monts-d’Ardèche. Les mesures d’évitement semblent largement sous-évaluées par ce projet religieux aussi colossal qu’aberrant.
La réduction intervient sur les impacts non-évitables lors de la réalisation du projet. Elle vise à mettre en place des mesures contournant des dégradations environnementales significatives. Par exemple, installer des passages à faune sauvage (crapauducs, ponts végétalisés) pour ne pas interrompre les corridors naturels. Ces mesures s’inscrivent très souvent dans la Trame Verte et Bleue.
La compensation vise enfin à remédier aux impacts résiduels irréversibles lors de la réalisation du projet. A défaut de pouvoir conserver tout le site naturel à l’identique, elle apporte une contrepartie positive. Par exemple, accompagner le projet d’aménagement en bord de mer par une restauration d’une lande dégradée adjacente.
Les maîtres d’ouvrages peuvent également accompagner ces compensations par des mesures d’accompagnement. En général, elles ne s’inscrivent pas dans un cadre réglementaire obligatoire. Mais elles peuvent venir renforcer la pertinence de la séquence ERC proposée. Par exemple, accompagner la compensation d’un programme de suivi d’une espèce patrimoniale.

La séquence ERC, un faux espoir de compensation ?
Peut-on sérieusement envisager de compenser les dégâts sur les diverses biodiversités ? Les critiques autour de la séquence ERC sont nombreuses. En 2017, une étude parue dans la revue environnementaliste VertigO pointe du doigt les faiblesses de la doctrine. En effet, les mesures de compensation signent aussi le désengagement financier de l’Etat et la mise en concurrence d’acteurs privés par appels d’offre. Les règles de l’appel d’offres sélectionnent des projets de compensations à minima, selon des impératifs économiques et non écologiques.
Moreno-Mateos et al. (2015) ont publié dans Biological Conservation une critique détaillée sur ces mesures de compensation. Leurs conclusions étrillent le mythe d’une compensation éthique et écologique. Bien au contraire, elle ne peut tenir ses promesses et provoque même une crise morale, en laissant croire que dégrader la biodiversité puisse être un acte anodin. Une étude du CNRS confirme ainsi que dans 80% des cas, la compensation environnementale n’était pas assez exigeante ou inadaptée. Enfin, les mesures compensatoires sont bien souvent définies avant même d’envisager les séquences d’évitement et de réduction. Ce qui confirme à quel point la destruction des écosystèmes est banalisé par ce dispositif.
Il n’est donc pas surprenant que les scientifiques, écologistes et associations de protection de l’environnement s’opposent aux mesures compensatoires. Le cas politique le plus connu est probablement l’épisode de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique). En effet, les séquences ERC préconisées dans le cadre du projet d’aéroport ne garantissaient pas une bonne conservation de la faune et la flore bocagère. Les populations menacées de Vipère péliade et de Campagnol amphibie représentaient une perte sèche de biodiversité génétique. Soit une diminution du réservoir de variabilité pour l’espèce, et un affaiblissement de ses capacités d’adaptation face à la crise environnementale actuelle. Dans ces conditions, les séquences ERC représentent l’illusion d’un pansement sur une jambe de bois.